Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/55

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qui avait fait tant de bruit, avait été momentanément laissé à l’abbaye de Sainte-Brigitte. Il donna tous ces détails d’après Fabian. L’archer ajouta que le père était un homme qui, par ses chansons et ses histoires, pourrait amuser toute la garnison sans lui laisser le temps de songer à ses affaires.

« Nous n’avons pas besoin de pareils expédients pour passer le temps, répondit le gouverneur, et nous aurions été plus satisfait si notre lieutenant avait eu la bonté de nous trouver d’autres hôtes, et surtout des gens avec lesquels on puisse avoir des relations plus directes et plus franches qu’avec un homme qui par sa profession ne cherche qu’à offenser Dieu et à tromper ses semblables. — Cependant, » répliqua le vieux soldat qui ne pouvait pas même écouter son commandant sans se laisser aller à son humeur de contredire, « j’ai entendu Votre Honneur dire que la profession de ménestrel, quand on s’en acquittait convenablement, était aussi honorable que la chevalerie même. — Il peut en avoir été ainsi jadis, répliqua le chevalier, mais chez les ménestrels modernes le but de leur art, qui est d’exciter à la vertu, a été complètement oublié : encore est-il heureux que la poésie qui enflammait nos pères et les poussait à de nobles actions ne porte pas aujourd’hui leurs fils à se conduire d’une manière basse et indigne. Mais j’en parlerai à mon ami Aymer, qui, parmi tous les jeunes gens que je connais, n’a son pareil ni en bonté ni en grandeur d’âme. »

Tout en discourant ainsi avec l’archer, sir John de Walton homme grand et bien fait, s’était avancé sous le vaste manteau de la cheminée du corps-de-garde où il se tenait debout. Là, il était écouté avec un respectueux silence par le fidèle Gilbert, qui remplissait, avec des signes et des mouvements de tête, comme il convient à un auditeur attentif, les intervalles de la conversation. La conduite d’un autre individu qui écoutait aussi ce qu’on disait n’était pas également respectueuse, mais il était placé de manière à ne pas attirer sur lui l’attention.

Cette tierce personne n’était autre que l’écuyer Fabian : on ne pouvait l’apercevoir à cause de sa position derrière l’avancement que formait la vaste cheminée de mode antique, et il tâcha de s’effacer encore plus soigneusement lorsqu’il entendit la conversation du gouverneur et de l’archer tourner, à ce qu’il crut, au désavantage de son maître. L’écuyer s’occupait alors du soin un peu servile de fourbir les armes de sir Aymer, travail dont il s’acquittait plus aisément en faisant chauffer, sur l’espèce d’avancement que formait