Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étiquette avec lesquelles tous les points de la discipline militaire furent observés pour sa réadmission au château. Cependant l’air froid d’une humide soirée de printemps lui pénétrait tout le corps ainsi qu’aux gens de sa suite, tandis qu’ils attendaient devant le château qu’on échangeât le mot d’ordre, qu’on livrât les clefs, qu’on terminât enfin toutes ces minuties qui accompagnent les mouvements d’une garnison dans une forteresse bien gardée.

« Allons, dit-il à un vieux chevalier qui censurait aigrement le lieutenant-gouverneur, c’est ma faute. J’ai parlé tout-à-l’heure à Aymer de Valence d’un ton un peu trop impérieux pour qu’il n’en fût point offensé, lui si récemment élevé aux honneurs de la chevalerie, et cette manière exacte d’obéir n’est qu’un acte de représailles assez naturel et très pardonnable. Eh bien ! nous lui devons quelque chose en retour, sir Philippe, n’est-ce pas ? Ce n’est pas un soir comme celui-ci qu’il faut faire rester les gens à la porte. »

Ce dialogue, entendu par quelques uns des écuyers et des pages, voyagea de l’un à l’autre jusqu’à ce qu’il perdît entièrement le ton de bonne humeur avec lequel il avait été tenu ; on crut que sir John de Walton et sir Philippe méditaient une vengeance, et l’on répéta que le gouverneur regardait ce retard comme un affront mortel que son subordonné lui faisait avec intention.

C’était ainsi que la haine augmentait de jour en jour entre deux guerriers qui, sans aucun juste motif de mésintelligence, avaient au contraire toute raison de s’aimer et de s’estimer l’un l’autre. Elle devint visible dans la forteresse même pour les simples soldats, qui espéraient gagner de l’importance en se prêtant à l’espèce d’émulation produite par la jalousie des officiers commandants. Une pareille lutte peut bien exister aujourd’hui, mais dégagée du sentiment d’orgueil blessé et de dignité jalouse qui s’y rattachait, alors que les chevaliers avaient pour but de ne pas permettre que la moindre atteinte fût portée à ce qu’ils appelaient leur honneur.

Tant de petites querelles eurent lieu entre les deux chevaliers, que sir Aymer de Valence se crut obligé d’en écrire à son oncle, le comte de Pembroke. Il déclarait à son parent que sir John de Walton avait malheureusement conçu depuis un certain temps des préventions contre lui, et que, après avoir supporté en beaucoup d’occasions la mauvaise humeur de son commandant, il se voyait forcé de demander qu’on l’envoyât du château de Douglas dans tout autre endroit où il pourrait acquérir quelque gloire et oublier les motifs de plainte qu’il avait contre son supérieur. Dans le courant