Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/81

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dans l’enceinte d’une forteresse qu’occupe une garnison anglaise. Je rougirais pour mon pays si, afin de le bien servir, il nous fallait infliger des châtiments si rigoureux à de pauvres gens dont la seule faute est l’indigence. Vos propres sentiments de chevalier vous en diront à ce sujet plus qu’il ne convient que j’en fasse entendre à sir John de Walton. J’avais seulement à justifier une opinion qui restera la mienne. »

Sir John de Walton rougit jusque sur son front brun lorsqu’il entendit le jeune homme émettre, contradictoirement à la sienne, une opinion qui avait pour but de flétrir sa manière de voir comme peu généreuse et peu noble, comme indigne d’un chevalier. Il tâcha cependant de conserver son sang-froid, et répondit avec assez de calme : « Vous avez donné votre opinion, sir Aymer de Valence, et je vous remercie de l’avoir donnée franchement et hardiment sans vous inquiéter de la mienne. Mais il n’est pas tout-à-fait prouvé qu’il faille que je m’en réfère absolument à vos avis, dans le cas où les devoirs de ma place, les ordres du roi, et les observations que je puis personnellement avoir faites, m’engageront à tenir une ligne de conduite autre que celle qui vous semble convenable. »

En terminant, de Walton s’inclina avec une grande gravité ; et le jeune chevalier lui rendant son salut exactement avec la même cérémonie roide et affectée, demanda si son supérieur avait des ordres particuliers à lui donner relativement à ses fonctions dans le château. Après avoir reçu une réponse négative, il se retira.

Sir John de Walton, après une exclamation d’impatience, comme s’il était vraiment désappointé en voyant les avances qu’il avait faites vers une explication avec son jeune ami échouer d’une manière inattendue, fronça les sourcils, comme plongé dans de profondes réflexions, et se promena quelque temps de long en large dans l’appartement, considérant quelle marche il devait suivre dans de pareilles circonstances. « Il est dur de le réprimander sévèrement, dit-il ; car, je me le rappelle, lorsque j’entrai dans le monde, mes pensées et mes sentimens n’étaient autres que ceux de ce garçon vif, entêté, mais généreux. Maintenant la prudence m’instruit à soupçonner les hommes dans mille cas où peut-être il n’y a point de fondement pour le moindre soupçon. Mais je suis disposé à risquer mon honneur et ma fortune plutôt que de causer une légère peine à un ménestrel vagabond, peine que d’ailleurs je puis compenser par quelque argent ; ai-je pour cela le droit