Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/85

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Angleterre ou en Écosse ; et ensuite, qui pourrait comprendre pourquoi on le laisse ainsi au château, libre de communiquer tout ce qui s’y passe à ces vieux chanteurs de matines du couvent de Sainte-Brigitte, qui disent de bouche : Dieu protège le roi Édouard ! mais s’écrient au fond du cœur : Dieu protège le roi Robert Bruce ! De telles communications peuvent aisément avoir lieu au moyen de son fils, qui demeure à Sainte-Brigitte, comme le sait Votre Seigneurie, sous prétexte qu’il est malade. — Comment dites-vous ? sous prétexte ? sa maladie n’est-elle donc pas réelle ? — Oh ! il se peut bien qu’il soit malade à en mourir ; mais, dans ce cas, ne serait-il donc pas plus naturel que ce père restât près de son fils au lieu de fureter dans ce château où on le rencontre continuellement, soit dans la bibliothèque du vieux baron, soit dans quelque coin où l’on ne s’attend guère à le trouver. — S’il n’a aucun légitime motif de rester ici, il serait mieux qu’il rejoignît en effet son fils ; mais il paraît qu’il cherche les anciennes poésies ou prédictions de Thomas-le-Rimeur, ou de quelque autre barde. De fait, il est bien naturel qu’il désire augmenter son fonds de connaissances et ses ressources d’amusement : et où en trouverait-il les moyens, sinon dans une bibliothèque remplie d’anciens livres ? — Sans doute, » répliqua l’archer avec un ricanement d’incrédulité sec mais honnête ; « il est survenu peu d’insurrections, que je sache, en Écosse, sans qu’elles aient été prédites par quelque vieille poésie oubliée, qu’on savait soustraire à la poussière et aux toiles d’araignée, dans le but unique de donner du courage à ces rebelles du nord : car, sans cela, ils n’auraient pas même osé s’exposer à entendre le sifflement de flèches bardées de plumes d’oie sauvage. Mais les têtes à cheveux bouclés sont légères : et, soit dit sans vous offenser, les gens mêmes de votre suite, sire chevalier, conservent trop du feu de la jeunesse dans un temps aussi peu sûr que celui où nous sommes. — Tu m’as convaincu, Greenleaf, et je m’enquerrai plus rigoureusement que je ne l’ai fait jusqu’à présent des affaires et des occupations de cet homme. L’époque est mal choisie pour compromettre la sûreté d’un château royal, afin de se montrer généreux envers un individu que nous connaissons si peu, et contre qui nous pouvons sans injustice concevoir de graves soupçons jusqu’à ce que nous recevions des éclaircissements complets. Est-il en ce moment dans la pièce qu’on nomme la Bibliothèque du baron ? — Votre Seigneurie ne peut manquer de l’y rencontrer. — Suis-moi donc avec deux ou trois de tes camarades ; place-toi de manière à