Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/90

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moyens pour remonter à la source de cette affaire ; et si vous désirez qu’on épargne votre fils, vous obtiendrez fort aisément cette faveur en lui donnant l’exemple de la soumission et de la franchise. »

Le ménestrel se rejeta sur le siège qu’il occupait, comme fermement résolu à souffrir tous les tourments dont sir John pourrait l’accabler, plutôt que d’ajouter un seul mot à ce qu’il avait déjà répondu. Sir John de Walton lui-même sembla quelque peu indécis sur la marche qu’il avait à suivre. Il se sentait une invincible répugnance à procéder, sans y avoir mûrement réfléchi, à ce que bien des gens auraient regardé comme une obligation de sa place, en infligeant la torture au père ainsi qu’au fils ; mais si complet que fût son dévouement au roi, si nombreuses que fussent les espérances et les vues qu’il avait fondées sur son exactitude à garder le poste important qu’on lui avait confié, il ne pouvait se résoudre à recourir à ce cruel moyen de trancher la difficulté. L’extérieur de Bertram était vénérable, et son éloquence répondait à ce premier indice. Le gouverneur se rappela qu’Aymer de Valence, dont les jugements étaient en général pleins de rectitude, le lui avait décrit comme un de ces rares individus qui savaient honorer par leur bonne renommée personnelle une profession dégénérée ; et il reconnut en lui-même qu’il y avait une barbare cruauté et une criante injustice à refuser de croire que le prisonnier fût un homme sincère et honnête, avant que, comme moyen de découvrir son innocence, il lui eût allongé les nerfs et disjoint les membres ainsi qu’à son fils. « Je n’ai pas de pierre de touche, » se disait-il intérieurement, « pour distinguer le vrai du faux ; Bruce et ses adhérents guettent une occasion… il a certainement équipé les galères qui étaient à l’ancre à Rachrin pendant l’hiver. Et en outre cette histoire de Greenleaf, relativement aux armes qu’on se serait procurées pour une nouvelle insurrection, coïncide étrangement avec l’apparition de ce sauvage habitant des bois que nous avons rencontré à la chasse. Enfin tout tend à prouver qu’il se trame quelque chose que mon devoir est de prévenir. Je ne négligerai donc aucune circonstance qui pourra permettre de concevoir des espérances ou des craintes ; mais plût à Dieu que je pusse m’éclairer à toute autre source, car je ne saurais croire qu’il soit légitime de tourmenter ces malheureuses et peut-être ces honnêtes créatures. » Il sortit donc de la bibliothèque en murmurant un mot à Greenleaf touchant le prisonnier.