Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/120

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plus élevé, pour cacher leur surprise ou leur confusion ; elle fredonnait la chanson suivante :

Le chevalier ensorcelé
S’était assis sur la colline
Où le genêt s’élève et fleurit isolé.
Là vint une beauté lutine,
Chantant une chanson badine ;
Et depuis ce moment le peuple rassemblé
N’ose plus visiter la riante colline.

« Allons, Effie, dit sa sœur, notre père va rentrer. » La jeune fille cessa de chanter. « Pourquoi revenez-vous donc si tard ? — Il n’est pas tard, répondit Effie. — Il est huit heures sonnées à toutes les horloges de la ville, et le soleil est couché derrière les montagnes de Costorphine. D’où venez-vous donc, que vous rentrez si tard ? — Je n’ai été nulle part. — Et qui est-ce qui vous a quittée auprès du mur ? — Personne. — Nulle part ! personne ! J’espère que c’est un endroit et des personnes convenables qui vous retiennent si tard dehors ? — Et pourquoi m’épier ainsi ? Il est sûr que si vous ne me faisiez pas de questions, je ne vous ferais pas de mensonges. Vous ai-je jamais demandé ce que vient faire ici le laird de Dumbiedikes, qui avec des yeux aussi brillants que ceux d’un chat sauvage (excepté, j’en conviens, qu’ils sont un peu plus verts et moins beaux) ne cesse de vous regarder ! — Vous savez très-bien qu’il vient ici pour voir notre père, » répondit Jeanie à cette malicieuse remarque.

« Et Reuben Butler vient-il aussi pour voir notre père, qui est si fatigué de ses mots latins ? » dit Effie enchantée de trouver moyen, en dirigeant une attaque sur le pays ennemi, de détourner celle dont elle était menacée ; et avec la pétulance de la jeunesse elle continua à tourmenter sa sœur aînée. Elle la regardait d’un air rusé et ironique, en chantant à voix basse, mais d’un ton significatif, ce passage d’une vieille chanson écossaise :

En traversant le cimetière,
J’ai rencontré le laird du val.
Le pauvre sot ne m’a fait aucun mal ;
Mais avant cette nuit dernière,
J’ai rencontré le clerc…

Ici elle s’interrompit en regardant sa sœur ; et voyant ses yeux remplis de larmes, elle lui jeta les bras autour du cou et l’embrassa avec empressement. Jeanie, quoique mécontente, ne put résister aux caresses de cette naïve enfant de la nature, chez qui le mal et le bien ne semblaient nullement réfléchis. Mais en lui