Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/188

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en habit brodé et galonné, pour lui faire parler aux prévôts, aux baillis, aux greffiers, aux procureurs, et cela en plein jour et à la vue de toute la ville ! C’est un honneur qu’on ne fait pas à tout le monde. — C’est vrai, Madge, » dit M. Sharpitlaw d’un ton caressant ; « aussi vous avez mis vos beaux habits, à ce que je vois : ce ne sont pas là ceux que vous portez tous les jours. — Le diable soit de mes doigts ! dit Madge. Eh, messieurs ! » ajouta-t-elle en voyant Butler entrer dans l’appartement, « voilà un ministre dans la geôle ! Qui osera dire maintenant que c’est un lieu de réprouvés ? Je gagerais qu’il y est pour la bonne vieille cause ; mais cette cause-là n’est pas la mienne. » Et elle se mit à chanter :

Des cavaliers ! des cavaliers !
En route, mes amis, en route ;
Tombez sur ces diables altiers
Qu’Olivier grandement redoute[1].

« Avez-vous jamais vu cette folle ? demanda Sharpitlaw à Butler. — Je n’en ai pas connaissance, monsieur, répondit Butler. — C’est ce que je pensais, » dit le procureur fiscal en jetant un regard sur Ratcliffe, qui lui répondit par un signe d’intelligence.

« Mais cette femme est pourtant Madge Wildfire, suivant le nom qu’elle se donne, dit l’homme de loi à Butler. — Certes, c’est mon nom, dit Madge, et avant l’époque où je l’ai pris j’étais plus heureuse… Ah ! (elle soupira, et une teinte de mélancolie se répandit un moment sur ses traits.) Mais je ne me rappelle pas bien ce que j’étais alors ; d’ailleurs il y a long-temps de cela, et je ne veux plus m’en inquiéter :

J’erre comme le feu follet
Dans les villes et les campagnes ;
On me rencontre en mon trajet
Dans la plaine et sur les montagnes.
J’ai le vif élan de l’éclair
Qu’un instant voit traverser l’air
Et s’éteindre en venant d’éclore ;
Je suis plus fugitive encore.

Taisez-vous, impitoyable bavarde, » dit l’officier qui avait servi d’introducteur à cette bizarre créature, et qui était un peu scandalisé de la liberté de ses manières devant un personnage aussi important que M. Sharpitlaw ; « taisez-vous, ou je vous ferai chanter pour quelque chose. — Laissez-la tranquille, George, dit Sharpitlaw, ne la mettez pas en colère, j’ai quelques questions

  1. Fragment d’une chanson sur Olivier Cromwell. a. m.