Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/234

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Un peu indignée de cette expression de tendresse pour l’auteur de sa ruine, Jeanie ne put s’empêcher de s’écrier : « Oh ! Effie ! comment pouvez-vous parler ainsi d’un tel homme ? — Vous savez que nous devons pardonner à nos ennemis, » dit la pauvre Effie avec un regard timide et une voix mal assurée ; car sa conscience lui disait combien le sentiment que lui inspirait encore son séducteur ressemblait peu à la charité chrétienne sous laquelle elle cherchait à le cacher.

« Quoi ! après avoir tant souffert pour lui, vous pouvez l’aimer encore ; » dit sa sœur avec l’accent du blâme et de la pitié.

« L’aimer, dit Effie ; si je ne l’avais pas aimé comme il est rare qu’une femme aime, je ne serais pas aujourd’hui dans ces murs ; et croyez-vous qu’un amour semblable au mien s’efface légèrement ? Non, non ; il est plus facile d’abattre un arbre que de le redresser. Et vous, Jeanie, si vous voulez me faire du bien en ce moment, c’est de me répéter toutes les paroles qu’il vous a dites : que je sache au moins s’il est affligé du sort de la pauvre Effie. — Quel besoin ai-je de vous parler de cela ? dit Jeanie ; vous devez savoir qu’il avait assez affaire de penser à sa propre sûreté pour pouvoir s’occuper long-temps de quelqu’un. — Ce ne peut être vrai, Jeanie ; quand ce serait un saint qui viendrait me le dire, je ne le croirais pas, » s’écria Effie par un retour involontaire de l’ancienne vivacité de son caractère. « Mais vous ne savez pas comme moi jusqu’à quel point il a hasardé sa vie pour sauver la mienne. » Puis regardant Ratcliffe, elle s’arrêta et se tut.

« Je vois, » dit Ratcliffe avec un de ses ricanements ordinaires, « que la jeune fille s’imagine qu’elle seule a des yeux. N’ai-je pas bien vu que le gentil Geordie n’était pas venu dans la prison pour en faire sortir John Porteous tout seul ? Mais vous êtes de mon avis, mon cœur, il vaut mieux rester dedans, attendre son sort, que de s’exposer à aller courir après quelque chose de pire. Quand vous me regarderez avec cet air surpris, je sais encore bien autre chose, peut-être. — Oh, mon Dieu, mon Dieu ! » dit Effie en tombant à genoux devant lui, « sauriez-vous ce qu’on a fait de mon enfant ? mon enfant ! mon pauvre enfant ! ce pauvre petit innocent qui venait de naître, mon tendre enfant, les os de mes os, la chair de ma chair ! Ô homme ! si vous voulez jamais gagner une place dans le ciel ou mériter sur la terre la bénédiction d’une pauvre infortunée, dites-moi ce qu’est devenu mon enfant, le signe de ma honte, le compagnon de mes souffrances ! dites-moi qui