Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/300

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tête, elle tremblait en pensant à la réponse qu’elle recevrait en s’informant de lui.

Ses craintes, dans ce cas, n’étaient que trop bien fondées. Butler, dont la constitution était naturellement faible, avait eu de la peine à se remettre de la fatigue de corps et du tourment d’esprit qui avaient été pour lui la conséquence des événements tragiques qu’on a vus au commencement de cette histoire. La pensée pénible que son caractère continuait de rester suspect aggravait encore ses souffrances.

Mais la circonstance la plus cruelle de sa position était la défense absolue que les magistrats lui avaient faite d’entretenir aucune communication avec Deans et sa famille. Il leur avait malheureusement paru probable que Robertson pourrait tenter d’avoir encore quelque relation avec cette famille par le moyen de Butler, et c’est ce qu’ils désiraient surtout empêcher. Cette mesure n’avait pas été prise par les magistrats dans un esprit de vexation ou d’injuste méfiance ; mais, dans la situation où se trouvait Butler, elle lui paraissait extrêmement dure. Il sentait que la personne qu’il chérissait le plus, trompée par les apparences, pouvait l’accuser du tort le plus étranger à son cœur, celui de l’abandonner et de s’éloigner d’elle dans un moment de si grande affliction.

Cette pénible pensée, agissant trop fortement sur son esprit, eut une fâcheuse influence sur sa santé, naturellement peu forte, et lui occasionna une fièvre lente qui l’affaiblit beaucoup et le mit hors d’état de remplir même les devoirs journaliers et sédentaires auxquels l’appelait son école, sa seule ressource. Heureusement que le vieux M. Whackbairn, le chef de cet établissement paroissial, était sincèrement attaché à Butler. Outre qu’il sentait tout le mérite et le prix d’un sous-maître qui avait fort augmenté la réputation de sa classe, le vieux pédagogue, ayant eu lui-même une assez bonne éducation, avait conservé du goût pour les auteurs classiques, et aimait à se distraire, après l’ennui journalier de l’école, en lisant avec son sous-maître quelques pages d’Horace et de Juvénal. Un rapprochement de goût fit naître en lui l’amitié : il vit donc avec peine et compassion la faiblesse croissante de Butler, et pour le soulager il se mit lui-même à le remplacer le matin dans la classe, exigeant de lui qu’il prît du repos pendant ce temps ; en outre il lui procura tous les soins et les douceurs que pouvait exiger la situation du malade, et auxquels ses moyens ne pouvaient atteindre.