Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/310

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CHAPITRE XXVIII.

COMMENCEMENT DU VOYAGE.


Ma terre natale, adieu !
Lord Byron.


Au temps actuel le voyage d’Édimbourg à Londres est la chose du monde la plus simple et la plus facile, et le voyageur le plus inexpérimenté et entièrement livré à lui-même peut le faire sans courir le moindre danger et avec la plus grande diligence. De nombreuses voitures à différents prix, et autant de paquebots, vont et reviennent continuellement par terre et par mer sur la route des deux capitales, de manière que les gens les plus indolents et les plus timides peuvent en fort peu de temps achever ce voyage. Mais il n’en était pas ainsi en 1737 : il y avait alors si peu de communications entre Londres et Édimbourg, que des contemporains de cette époque se rappellent que, dans une occasion, la malle de la première de ces villes arriva au bureau général des postes d’Écosse avec une seule lettre. La manière ordinaire de voyager était de prendre des chevaux de poste, le voyageur en ayant un pour lui-même et son guide un autre ; on les changeait de relais en relais. De cette manière ceux qui étaient en état de supporter la fatigue pouvaient accomplir ce voyage en très-peu de temps. Se faire briser les os par ces chevaux de louage, qu’on renouvelait à toutes les postes, était un luxe réservé aux riches. Les pauvres étaient obligés d’avoir recours aux moyens de transport que fournit la nature.

Avec un cœur plein de courage et une constitution capable de supporter la fatigue, Jeanie Deans, faisant ses vingt milles par jour et quelquefois plus, traversa la partie méridionale de l’Écosse, et s’avança jusqu’à Durham.

Jusque là elle s’était trouvée au milieu de ses compatriotes, et ses pieds nus non plus que son plaid n’avaient attiré leur attention, leurs yeux étant trop habitués à ce costume pour le remarquer ; mais, à mesure qu’elle avança, elle s’aperçut que ces deux particularités de sa toilette l’exposaient à des sarcasmes et à des railleries auxquels elle aurait échappé si elle eût été vêtue autrement ; et, quoique au fond de son cœur elle trouvât qu’il n’y avait guère de charité et d’hospitalité à se moquer ainsi d’une étrangère à cause de sa mise, elle eut le bon sens de changer les