Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cate occupée de ses rites infernaux. Puis tout à coup tombant sur ses genoux, elle dit avec le ton d’un enfant de six ans : « Maman, écoutez-moi dire mes prières avant que j’aille me coucher, et dites : Que le bon Dieu te bénisse, mon enfant ! comme vous le disiez autrefois. — Que le diable t’écorche vive, pour se faire des semelles avec ta peau ! » s’écria la vieille alongeant pour réponse un coup de poing à la suppliante.

Madge, qui savait probablement de quelle manière sa mère avait l’habitude de lui conférer sa bénédiction maternelle, évita le coup en faisant un saut hors de sa portée avec beaucoup d’agilité et de précision. La vieille se leva alors, et saisissant une paire de pincettes, elle allait s’en dédommager en déchargeant un coup sur la tête de sa fille, ou sur celle de Jeanie ; car, dans sa rage, elle semblait les confondre l’une avec l’autre, lorsque sa main fut encore une fois arrêtée par celui qu’ils appelaient Franck Lewit, qui, la saisissant par les épaules, la poussa en avant avec une grande violence : « Quoi, mère le diable ! s’écria-t-il, encore, et en ma présence ! Écoutez, Madge de Bedlam, retirez-vous dans votre trou avec votre compagne, ou nous aurons ici le diable à confesser, et personne ne pourra en venir à bout. »

Madge suivit le conseil de Lewit, et, se retirant aussi vite que possible, elle emmena Jeanie avec elle dans une espèce d’enfoncement séparé de la grange par une cloison, et qui, étant rempli de paille, lui servait, à ce qu’il paraît, de chambre à coucher. La lune brillait à travers un trou qui tenait lieu de fenêtre, et éclairait une selle, un coussinet, une bride et deux ou trois besaces qui composaient tout l’équipage de voyage de Madge et de son aimable mère. « Avez-vous jamais vu de votre vie, dit Madge, une aussi jolie chambre à coucher ? voyez comme la lune brille sur la paille toute fraîche ! Il n’y a pas une cellule qui vaille celle-ci dans tout Bedlam, quoique ce soit un beau bâtiment en dehors. Avez-vous jamais été à Bedlam ? — Non, » répondit d’une voix faible Jeanie, interdite de cette question et de la manière dont elle était faite, mais désirant cependant se concilier sa compagne tout insensée qu’elle était, la situation dans laquelle elle se trouvait étant si précaire et si dangereuse, que même la société de cette folle était pour elle une espèce de protection.

« Vous n’avez jamais été Bedlam ? » dit Madge d’un air de surprise ; « mais vous avez été dans les Loges à Édimbourg ? — Jamais, répéta Jeanie. — Vraiment ! eh bien, je crois que les magis-