Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/411

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plus grande importance de conserver secrètement quelques liaisons avec un personnage aussi important que le duc d’Argyle, et Caroline en avait trouvé le moyen par l’entremise d’une dame avec laquelle, comme épouse de George II, on n’aurait pu lui supposer des liaisons si intimes.

Ce n’était pas la moindre preuve de l’habileté de la reine d’avoir conservé, parmi ses premières dames d’honneur, lady Suffolk, qui réunissait deux caractères bien opposés en apparence, celui de maîtresse du roi et de confidente très-soumise et très-complaisante de la reine. Par cet arrangement adroit, la reine avait garanti son autorité du danger qui pouvait la menacer le plus, l’influence d’une ambitieuse rivale ; et si elle se soumettait à la mortification de fermer les yeux sur l’infidélité de son mari, elle s’était au moins préservée de ce qu’elle regardait comme ses plus dangereux effets, et avait d’ailleurs la consolation de lancer de temps en temps quelques sarcasmes polis à sa bonne Howard, qu’elle traitait cependant en général avec une grande considération. Lady Suffolk avait de grandes obligations au duc d’Argyle, pour des motifs dont on peut trouver l’explication dans les Souvenirs d’Horace Walpole sur ce règne, et c’était par son moyen que le duc avait eu de temps à autre quelques entrevues avec la reine Caroline ; mais elles avaient en quelque sorte été suspendues depuis la part qu’il avait prise aux débats sur l’insurrection Porteous, affaire que la reine, assez déraisonnablement, était disposée à regarder plutôt comme une insulte préméditée contre son autorité et sa personne, que comme une explosion soudaine de la vengeance populaire. Cependant les voies de communication restaient ouvertes entre eux, quoique depuis long-temps ils n’en eussent pas fait usage. On verra que ces remarques étaient nécessaires pour faire comprendre au lecteur la scène qui va se passer.

En sortant de l’allée étroite dont nous venons de parler, le duc en prit une autre du même genre, mais plus large et encore plus longue. Là, pour la première fois depuis qu’ils étaient entrés dans ces jardins, Jeanie vit des personnes s’approcher.

C’étaient deux dames, dont l’une marchait un peu derrière l’autre, mais n’en était pas assez éloignée pour ne pouvoir entendre et répondre aux paroles que lui adressait la première, sans que celle-ci eût la peine de se retourner. Comme elles s’avançaient très-lentement, Jeanie eut le loisir d’examiner leurs traits et leurs