Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/420

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sœur, ma pauvre sœur Effie, elle vit, quoique ses jours soient comptés. Elle vit encore, et un seul mot de la bouche du roi pourrait la rendre à un malheureux vieillard qui jamais, matin et soir, dans ses prières, n’a manqué d’appeler les bénédictions du ciel sur Sa Majesté, et de le supplier de lui accorder un règne long et prospère, et d’établir son trône et celui de sa postérité sur la justice et l’équité. Ô madame ! si jamais vous avez connu la douleur, si vous comprenez ce que c’est que de pleurer et trembler sur une créature coupable et souffrante, dont l’âme est tellement agitée qu’elle n’est en ce moment ni morte ni vivante, ayez compassion de notre malheur ; sauvez une honnête famille du déshonneur, et une infortunée jeune fille, qui n’a pas encore dix-huit ans, d’une mort affreuse et prématurée ! Hélas ! ce n’est pas quand nous dormons d’un sommeil paisible et que nous nous réveillons le cœur gai, que nous pensons aux souffrances des autres : nos cœurs sont enflés par la prospérité, et nous ne songeons qu’à soutenir nos droits et à ressentir nos propres injures. Mais quand vient le moment de la douleur pour l’esprit ou pour le corps (et puisse-t-elle ne vous visiter que le plus rarement qu’il se puisse, milady !), et quand l’heure de la mort arrive pour le faible et pour le puissant (Dieu veuille qu’elle ne vienne pour vous que le plus tard possible, ô milady !) ce n’est pas alors ce que nous aurons fait pour nous-mêmes, mais ce que nous aurons fait pour les autres dont nous aimerons à nous souvenir ; et la pensée que vous aurez sauvé la vie à une pauvre fille vous sera plus douce et plus consolante à cette heure, à quelque moment qu’elle arrive, que si d’un mot de votre bouche vous pouviez faire pendre à la même corde tous les factieux de l’insurrection Porteous. »

Les larmes coulaient abondamment sur les joues de Jeanie pendant que, tremblante d’émotion, elle plaidait la cause de sa sœur du ton le plus pathétique et à la fois le plus simple et le plus touchant.

« Voilà de l’éloquence, » dit Sa Majesté au duc d’Argyle. « Jeune fille, » continua-t-elle en s’adressant à Jeanie, « je ne puis accorder un pardon à votre sœur, mais mon intercession pressante ne vous manquera pas auprès de Sa Majesté. Prenez ce petit nécessaire, » ajouta-t-elle en lui mettant dans la main un portefeuille brodé à mettre des aiguilles. « Ne l’ouvrez pas maintenant, mais à votre loisir : vous y trouverez quelque chose qui vous fera souvenir que vous avez eu une entrevue avec la reine Caroline. »