Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/504

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ou la tombe avait-elle lâché sa proie ? Avant qu’elle eût eu le temps de se faire bien distinctement toutes ces questions, Effie, sa chère Effie, était dans ses bras, la pressait contre son cœur et la couvrait de baisers. « J’errais comme une ombre sur ce rivage, lui dit-elle, dans l’espoir de vous voir ; il n’est donc pas étonnant que vous ayez cru en voir une en moi. Je ne voulais d’abord que vous apercevoir, et entendre le son de votre voix car vous parler encore, Jeanie, était plus que je ne méritais, plus que je n’osais espérer. — Effie ! comment se fait-il que vous soyez seule ici, à cette heure, sur ce rivage désert ? Est-il bien sûr que ce soit vous que je revois vivante ? »

Effie, par un retour de son ancienne espièglerie, répondit à cette question en pinçant légèrement sa sœur de ses doigts délicats, qui ressemblaient plus à ceux d’une sylphide qu’à ceux d’un spectre.

« Mais il faut que vous veniez avec moi au château, Effie, dit Jeanie, et que vous me racontiez toute votre histoire. J’ai là des amis qui vous feront bon accueil pour l’amour de moi. — Non, non, Jeanie, » répondit tristement sa sœur. « Vous avez oublié que je suis bannie, proscrite, une malheureuse qui vient d’échapper au gibet, parce qu’elle avait la meilleure, la plus courageuse des sœurs. Je ne voudrais m’approcher d’aucun de vos grands amis, n’y eût-il d’ailleurs aucun danger pour moi. — Il n’y a pas, il ne peut y avoir de danger, dit Jeanie vivement. Effie ! ne vous obstinez pas ainsi à votre perte ; laissez-vous guider une fois ; nous serons tous si heureux ensemble ! — J’ai goûté tout le bonheur que je mérite de trouver dans ce monde, puisque je vous ai vue, répondit Effie, et, qu’il y ait pour moi du danger ou non, personne ne dira jamais que je suis venue présenter à ma sœur une figure capable de la faire rougir au milieu de ses grands amis. — Je n’ai pas de grands amis, dit Jeanie je n’ai d’autres amis que ceux qui sont aussi les vôtres, Reuben Butler et mon père. Ô malheureuse enfant ! ne vous montrez pas opiniâtre, ne renoncez pas encore une fois au bonheur ! Nous ne verrons aucun étranger ; revenez chez vous au milieu de vos plus chers amis. Il vaut mieux se reposer à l’ombre d’un vieux tronc qu’au milieu d’un bois nouvellement planté. — C’est en vain que vous insistez, Jeanie ; je dois boire la coupe que j’ai remplie moi-même. Je suis mariée, et il faut que je suive mon mari, que ce soit pour mon bonheur ou non. — Mariée, Effie ! s’écria Jeanie ;