Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/79

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appelle en Écosse le coussin du roi. Butler fut placé à côté de lui, et on lui enjoignit à plusieurs reprises de s’acquitter de son devoir, le plus pénible qui puisse être imposé à un ecclésiastique digne de ce nom, et que les singulières et horribles circonstances qui l’accompagnaient rendaient doublement douloureux. Porteous adressa encore quelques supplications à ses bourreaux ; mais voyant qu’elles restaient sans succès, son éducation militaire et la fermeté naturelle de son caractère se réunirent pour soutenir son courage.

« Êtes-vous préparé pour ce redoutable moment ? » lui dit Butler d’une voix tremblante ; « tournez-vous vers celui aux yeux duquel le temps et l’espace ne sont rien, pour qui quelques minutes sont autant qu’une longue vie, et une longue vie pas davantage que quelques minutes. — Je crois savoir ce que vous voulez dire, » répondit Porteous d’un air indifférent. « J’ai mené la vie d’un soldat. S’ils m’assassinent sans me donner un instant pour me reconnaître, que mes péchés et mon sang retombent sur leurs têtes ! — Wildfire reprit alors d’une voix sombre : Qui est-ce qui à cette même place, répondit à Wilson quand il se plaignait de ne pouvoir prier à cause des douleurs insupportables que lui causaient ses fers ; qui est-ce qui lui répondit : Tes souffrances ne dureront pas long-temps ? Je vous dis qu’on vous traite avec moins de cruauté que vous n’avez traité les autres ; si donc vous ne pouvez profiter des exhortations de ce brave homme, n’accusez pas ceux qui sont plus humains que vous ne l’avez été vous-même. »

En ce moment le cortège se mit en marche d’un pas lent et solennel, à la lueur d’un grand nombre de torches et de flambeaux : car les acteurs de cette tragédie, loin de vouloir s’envelopper des ombres du mystère, semblaient au contraire rechercher la publicité. Les principaux chefs formaient un groupe autour du prisonnier, dont les traits pâles, mais intrépides, se distinguaient aisément à la lueur des torches, car sa tête s’élevait de beaucoup au-dessus de la foule qui se pressait à ses côtés. Ceux qui portaient des épées, des mousquets, des haches, marchaient à droite et à gauche, formant deux haies entre lesquelles s’avançait le cortège. Les fenêtres étaient garnies de citoyens dont le sommeil avait été interrompu par ce tumulte extraordinaire : quelques-uns leur adressèrent à voix basse des paroles d’encouragement ; mais le plus grand nombre étaient si effrayés d’une action si étrange et