Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/97

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une veuve jeune encore et un fils âgé de trois ans, dont la sobriété, les traits ridés et peu agréables, dont enfin l’humeur sentencieuse eût suffisamment rétabli l’honneur de sa mère, si on se fût avisé de mettre en doute que le marmot fût réellement l’héritier légitime de Butler-Bible.

Stephen n’avait propagé ses opinions ni dans sa famille ni parmi ses voisins ; l’air de l’Écosse était contraire à l’arbre de l’indépendance politique, bien que favorable au fanatisme religieux. Toutefois en n’avait pas oublié les principes qu’il professait, et un certain laird des environs, qui se vantait de sa loyauté dans le plus mauvais des temps (quoiqu’ils ne lui aient fait courir d’autre risque, que je sache, que celui de recevoir une contusion à la tête ou de passer une nuit au corps-de-garde quand le vin et le royalisme lui faisaient entamer sa vieille histoire), avait jugé convenable de ramasser tout ce qui donnait matière à accusation contre le défunt. Dans ce compte, ses principes religieux n’étaient pas oubliés ; car, pour dire la vérité, ils devaient paraître d’une exagération excessive à un homme qui en avait de si modérés, de si faibles, qu’ils étaient à peu près nuls. Pour ces raisons, la pauvre veuve Butler fut accablée, comme non-conformiste, d’une multitude d’amendes et de vexations de toute espèce alors en usage ; si bien que Beersheba devint la propriété du laird. Après avoir ainsi persécuté comme à plaisir et dépouillé cette malheureuse veuve, il eut pourtant assez de remords ou de modération, ou de tel autre sentiment que le lecteur voudra bien lui attribuer, en lui permettant d’habiter la chaumière de son mari et de faire valoir, moyennant une légère redevance, un petit enclos de terre voisin. Cependant le jeune Benjamin atteignit l’âge d’homme, et malgré la perspective de misère que devait lui faire envisager un accroissement de famille, il se maria. De cette union naquit un fils, Reuben, qui en effet vint augmenter la pauvreté de Beersheba.

Jusqu’alors le laird de Dumbiedikes avait été modéré dans ses exactions, peut-être parce qu’il avait honte de trop rançonner la veuve Butler, qui n’avait plus que de si chétives ressources ; mais quand un jeune et vigoureux gaillard fut en état de labourer l’enclos en question, Dumbiedikes commença à penser que de si larges épaules pouvaient porter quelque chose de plus. En effet, il réglait les redevances de ses fermiers, qui heureusement n’étaient pas nombreux, absolument comme les charretiers qu’il voyait