Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/138

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vous de m’assigner l’appartement qu’il vous plaira… J’ai tout le courage que peuvent donner l’innocence et la fierté de mon sang et de ma naissance. Il a été mis depuis peu à une cruelle épreuve ; mais, puisque telle est votre volonté et la coutume de votre maison, mon cœur est encore assez ferme pour affronter les terreurs que vous vous proposez de lui faire subir. »

Elle s’arrêta, le mécontentement l’empêchant d’en dire davantage ; car elle trouvait dans la conduite de sa tante de la dureté et de l’inhospitalité. Cependant, en réfléchissant à l’origine de la légende de la chambre qui lui était destinée, elle était forcée de s’avouer que lady Baldringham avait des raisons puissantes pour agir ainsi, d’après les traditions de la famille et la croyance superstitieuse qu’Éveline partageait.






CHAPITRE XIV.

la chambre au doigt sanglant.


Quelquefois il me semble entendre les gémissements des spectres, des accents sépulcraux, de lamentables cris ; puis, comme un faible écho répété dans le lointain, la voix de ma mère s’écrie : ne te marie pas, Almeida !… Almeida, crois-en cet avertissement : ton mariage serait un crime.

Don Sébastien.


La soirée chez la dame de Baldringham aurait paru d’une longueur insupportable ; mais lorsque l’esprit est agité par la crainte, le temps qui s’écoule jusqu’au moment qu’on redoute paraît toujours court, et quoique Éveline ne s’intéressât pas beaucoup à la conversation de sa tante et de Berwine, qui roula sur la longue ligne de leurs ancêtres, à compter du vaillant Horsa, sur les hauts faits des guerriers saxons et les miracles de leurs moines, cependant elle aima mieux écouter ces légendes que d’appesantir sa pensée sur le moment où elle se retirerait dans l’appartement redouté où elle devait passer la nuit. Aucun des plaisirs que la maison de Baldringham pouvait offrir n’avait été épargné pour aider à passer la soirée. Un festin somptueux, qui aurait pu rassasier vingt hommes affamés, fut servi à Ermengarde et à sa nièce, qui n’avaient à table avec elles, outre Berwine et Rose Flammoch, qu’un vieux moine saxon, d’une figure austère, qui prononça le benedicite. Éveline était d’autant moins disposée à faire honneur à cet excès d’hospitalité, que les plats étaient tous de ces mets