Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/236

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Comme il parlait encore, ils avancèrent environ de cent verges sur le bord du ruisseau, jusqu’à l’endroit où la petite vallée dans laquelle il coulait, formant un détour subit, leur montra l’étang Rouge, dont l’eau surabondante formait le ruisseau même.

Ce lac de montagne, ou tarn, comme on l’appelle dans quelques contrées, était un bassin profond, d’environ un mille de circonférence, mais plutôt oblong que circulaire. Du côté le plus proche de nos fauconniers s’élevait une chaîne de rochers d’une teinte rouge foncée qui donnait son nom à l’étang, où se réfléchissait cette barrière sombre et massive, et semblait lui faire partager sa couleur. Du côté opposé était une colline couverte de fleurs automnales qui n’avaient pas encore échangé leur couleur pourpre contre une roussâtre ; la bruyère d’un vert foncé et la fougère variaient sa surface, et, en plusieurs endroits, des coteaux gris, ou des pierres détachées de même couleur, établissaient un contraste avec le précipice rougeâtre qui était vis-à-vis. Une route naturelle, bien sablée, était formée par une rive qui, s’étendant tout autour du lac, séparait ses eaux, d’un côté, de la route bordée de précipices, et de l’autre, de la colline escarpée ; elle avait partout cinq à six verges de largeur, et dans plusieurs endroits beaucoup plus, et offrait tout autour de son circuit un appât irrésistible au cavalier qui désirait exercer et essouffler son cheval. Le bord de l’étang du côté du rocher était çà et là parsemé de fragments assez gros, qui s’étaient détachés du précipice, mais pas en assez grande quantité pour embarrasser cette agréable route. Plusieurs de ces masses rocailleuses dans leur chute étaient tombées dans l’étang, et restaient submergées comme autant de petites îles ; et, au milieu d’un petit archipel, l’œil pénétrant de Raoul découvrit le héron qu’il cherchait.

On conféra un instant pour savoir comment on approcherait de cet oiseau triste et solitaire, qui, ne se doutant pas qu’il était lui-même le but d’une embuscade formidable, restait immobile sur une pierre, au bord du lac, à épier les petits poissons ou les reptiles aquatiques qui viendraient à passer près de sa demeure isolée. Un court débat eut lieu entre Raoul et le marchand de faucons relativement au meilleur moyen de lancer la curée de manière à ce que lady Éveline et ses compagnons eussent une vue parfaite du vol. La facilité de tuer les hérons à la jetée loin ou à la jetée serrée, c’est-à-dire sur le côté le plus proche ou le plus éloigné de l’étang, fut vivement débattue en langage important,