Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/313

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tanée de Randal ; car le soleil de demain l’aurait encore retrouvé sans biens et sans seigneurie. »

Le prisonnier laissa retomber avec désespoir sa tête sur son sein. « Je pensais, dit-il, qu’il avait changé son coursier et s’était empressé de montrer son triomphe. Puissent se fermer ces yeux qui se sont laissé tromper par des hochets, un beau panache et un bâton verni !

— J’aurai soin, Gallois, que tes yeux ne te trompent plus, » dit le roi sévèrement ; « avant onze heures ils seront fermés pour tout ce qui est terrestre.

— Puis-je prier Votre Majesté, dit le connétable, de me permettre de faire quelques questions à ce malheureux ?

— Quand je lui aurai demandé, dit le roi, pourquoi il a trempé ses mains dans le sang d’un noble Normand.

— Parce que celui que je voulais tuer, » dit le Breton, ses yeux féroces regardant alternativement le roi et de Lacy, « avait versé le sang du descendant de mille rois, auprès duquel le sien ou le tien, fier comte d’Anjou, n’était que comme le bourbier du grand chemin auprès de la fontaine argentée. »

L’œil de Henri menaçait le barde audacieux ; mais il retint son courroux quand il vit le regard suppliant du connétable. « Que veux-tu lui demander ? dit-il ; va vite, car son temps est compté.

— Avec votre permission, sire, je lui demanderai pourquoi, pendant des années, il n’a pas pris une vie à laquelle il en voulait, et qui était en son pouvoir, et que même ses services fidèles en apparence ont sauvée.

— Normand, dit Cadwallon, je vais te répondre : quand je me mis à ton service, c’était bien mon intention de te tuer cette même nuit. Voilà l’homme, » montrant Philippe Guarine, « à qui tu dus ta sûreté.

— En effet, dit de Lacy, je me rappelle quelques circonstances qui dénotaient une pareille intention ; mais pourquoi l’as-tu négligée, quand d’autres occasions t’en donnaient la possibilité ?

— Quand le meurtrier de mon souverain devint le soldat de Dieu, reprit Cadwallon, et servit sa cause en Palestine, il n’avait rien à craindre de ma vengeance terrestre.

— Étonnante modération de la part d’un assassin gallois ! » dit le roi avec mépris.

« Et que n’ont pas eue, reprit Cadwallon, certains princes chré-