Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/390

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voir, pour partager la joie que me procurera le succès de ma demande au prince ; succès dont je suis assuré d’avance. »

Édouard ne manqua point à cette invitation. Il trouva dans l’appartement du chef l’enseigne Maccombich qui attendait Fergus pour lui rendre compte d’une espèce de fossé que les montagnards avaient creusé autour du château, et qu’ils appelaient une tranchée. Un moment après, on entendit la voix du chef dans l’escalier : il s’écriait du ton de la plus furieuse colère : « Callum ! Callum Beg, misérable coquin[1] ! » Il entra dans la chambre avec toute l’agitation d’un homme transporté de la plus véhémente colère ; et il n’y avait pas de visages où les symptômes de cette passion imprimassent des traces aussi profondes. Dans ses moments de frénésie, les veines de son front s’enflaient, ses narines se dilataient, ses joues et ses yeux étaient enflammés ; son regard était celui d’un homme possédé du démon. Ces signes extérieurs de la rage étaient d’autant plus effrayants qu’on voyait bien qu’ils provenaient en partie de ses violents efforts pour maîtriser un accès de fureur qui l’emportait malgré lui, et qu’ils étaient le résultat d’une lutte intérieure et extrêmement violente qui agitait toute sa personne et allait presque jusqu’à lui donner des convulsions.

En entrant, il détacha le ceinturon de son épée, et la jeta par terre avec tant de force que la lame jaillit du fourreau et coula jusqu’à l’autre bout de l’appartement. « Je ne sais, s’écria-t-il, qui m’empêche de faire le serment de ne jamais la reprendre pour son service ; charge mes pistolets, et donne-les-moi à l’instant même, à l’instant, entends-tu ? » Callum, que rien n’étonnait, n’effrayait ni ne déconcertait, obéit avec un sang-froid imperturbable ; Evan Dhu, sur le front duquel la pensée que son maître avait été insulté faisait paraître les signes d’une colère presque aussi violente que la sienne, demeura dans un sombre silence, attendant qu’on lui fît connaître le temps et le lieu où la vengeance devait frapper.

« Ah ! vous voilà, Waverley, dit le chef après s’être un peu remis. Oui, je me rappelle que je vous avais engagé à venir partager mon triomphe, et vous êtes venu pour être témoin de mon… désappointement, pour ne pas choisir un autre mot. » Evan lui présenta alors le rapport écrit qu’il tenait à la main ; Fergus l’arracha avec la plus grande violence. « Plût à Dieu, dit-il, que la

  1. Diaoul, dit le texte ; ce qui répond à diable. a. m.