Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/198

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autre circonstance Brown aurait supporté difficilement la manière si peu cérémonieuse avec laquelle les voleurs se partageaient sa propriété et s’amusaient aux dépens du propriétaire ; mais le moment était trop critique pour qu’il eût d’autre pensée que celle de sa conservation.

Après un examen suffisant de la valise et un partage égal de son contenu, les brigands se remirent à boire de plus belle : ils passèrent la plus grande partie de la nuit dans cette grave occupation. Pendant quelque temps, notre malheureux voyageur conçut l’espoir qu’ils boiraient assez pour se mettre hors de raison, car alors il eût pu facilement s’échapper. Mais leur métier dangereux réclamait des précautions même au milieu de leurs orgies, et ils s’arrêtèrent avant d’être complètement ivres. Enfin quatre d’entre eux se disposèrent à dormir ; le cinquième montait la garde. Après une faction de deux heures il fut relevé par un autre qui, lorsque la sienne fut finie, éveilla la troupe. À la grande satisfaction de Brown, ils commencèrent à faire leurs préparatifs de départ ; chacun fit un paquet de ce qui lui était échu en partage. Cependant il restait encore quelque chose à faire. Deux d’entre eux, après avoir cherché pendant quelque temps, ce qui n’alarma pas peu Brown, prirent une pioche et une pelle ; un autre ramassa un pic derrière la paille sur laquelle était étendu le corps du défunt. Deux des brigands sortirent de la hutte avec ces instruments, et les trois autres, parmi lesquels étaient les deux marins, deux vigoureux gaillards, y restèrent en garnison.

Après environ une demi-heure, un de ceux qui étaient sortis revint et parla à voix basse à ses compagnons. Ils enveloppèrent le cadavre dans le manteau qui lui servait de drap mortuaire, et l’emportèrent. La vieille sibylle sortit alors de son sommeil réel ou simulé ; elle alla d’abord à la porte comme pour s’assurer du départ des brigands, puis elle revint et commanda à Brown, d’une voix basse et étouffée, de la suivre sans perdre de temps. Il obéit. Toutefois, en quittant la cabane, il aurait bien voulu reprendre son argent ou au moins ses papiers, mais elle le lui défendit d’une manière péremptoire. Il pensa aussitôt que s’il reprenait quelque chose le soupçon tomberait sur cette femme, qui, selon toutes les probabilités, lui avait sauvé la vie. Il y renonça donc, et se contenta de saisir un coutelas qu’un des brigands avait jeté dans la paille. Une fois debout et en possession de cette arme, Brown se crut à moitié délivré des dangers dont il était environné. Il se sentait en-