Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/21

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lui-même était incapable et malheureux. La mort lui enleva ses fils dont le succès dans le cours de leur vie eût pu balancer sa mauvaise fortune et sa nullité. Ses dettes augmentèrent, ses fonds diminuèrent, si bien qu’enfin il fut ruiné. Le domaine fut vendu ; et le vieillard allait quitter la maison de ses pères, pour aller il ne savait où, lorsque, semblable à un vieux meuble qui peut durer longtemps si on le laisse à sa place ordinaire, mais qui se brise en pièces si on essaie de le déranger, il tomba sur le seuil de la porte, frappé de paralysie.

L’instituteur s’éveilla comme d’un songe. Il vit son patron mort, et le seul enfant qui lui survivait, une fille déjà âgée, qui n’était alors ni belle ni gracieuse, si elle avait jamais été l’un ou l’autre, orpheline, sans asile et sans fortune. Il lui adressa à peu près les mêmes paroles que Dominie Sampson adresse à miss Bertram, et lui fit part de sa détermination de ne jamais la quitter. Réveillant donc des talents qui avaient long-temps sommeillé, il ouvrit une petite école, et soutint l’enfant de son patron pendant le reste de sa vie, la traitant avec cet humble respect et cette déférence attentive qu’il avait eus pour elle dans les jours de sa prospérité.

Telle est l’esquisse de la véritable histoire de Dominie Sampson, dans laquelle il n’y a ni incident romanesque, ni passion sentimentale, mais qui peut-être, par la droiture et la simplicité du caractère qu’elle met en action, peut intéresser et émouvoir le lecteur au même degré que si elle lui montrait les malheurs d’un caractère plus élevé ou plus délicat.

Ces notices préliminaires concernant le roman de Guy Mannering et quelques uns des caractères qui y sont introduits, épargneront à l’auteur la peine d’écrire, et au lecteur celle de lire, dans le courant de l’ouvrage, une longue suite de notes détachées.

Abbotsford, janvier 1829.