Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/218

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lac, d’autant plus que le sentier qui y conduit est en ce moment très fréquenté par suite de l’affluence de ceux qui s’y rendent pour leur plaisir. Hazlewood s’offrit avec empressement pour nous accompagner, et nous exigeâmes qu’il prît son fusil : il rit beaucoup à l’idée d’aller se promener en chasseur sur la glace ; mais, pour calmer nos terreurs, il fut convenu qu’un domestique, qui remplit momentanément les fonctions de garde-chasse, nous suivrait en portant son arme. Quant au colonel, qui n’aime pas les réunions et les spectacles où l’on n’a d’autre but que de voir des figures humaines, à moins qu’il ne s’agisse d’une revue militaire, il refusa d’être de la partie.

« Nous nous mîmes en route de très bonne heure. La matinée était superbe, quoique froide, et nous sentions notre esprit et nos nerfs fortifiés par l’élasticité d’un air pur. Notre promenade jusqu’au lac fut délicieuse ; les petites difficultés que nous rencontrâmes ne servirent qu’à nous la rendre plus agréable : par exemple, une descente glissante, un fossé à passer sur la glace, rendaient l’assistance d’Hazlewood absolument nécessaire, et je ne pense pas que Lucy prît moins de plaisir à la promenade à cause de ces petits accidents.

« L’aspect du lac était magnifique. Il est bordé d’un côté par une chaîne de rochers, au haut desquels étaient suspendus d’énormes glaçons qui étincelaient au soleil ; de l’autre côté est un petit bois qui présentait ces images fantastiques qu’offrent les pins quand leurs branches sont chargées de neige. Sur la surface glacée du lac s’agitait une multitude de patineurs, les uns fuyant en droite ligne avec la rapidité de l’hirondelle, les autres décrivant les cercles les plus gracieux ; d’autres enfin, profondément occupés à un passe-temps moins actif, formaient une double haie autour de l’endroit où les habitants de deux paroisses rivales se disputaient le prix de l’adresse sur la glace, honneur d’une grande importance, à en juger par l’anxiété des acteurs et des spectateurs. Nous fîmes en nous promenant le tour du lac, soutenues par Hazlewood qui nous donnait le bras à toutes deux ; le brave jeune homme parlait avec une extrême bonté aux vieillards et aux enfants, et paraissait fort aimé de tous ceux qu’il rencontrait dans la foule réunie en ce lieu. Enfin, nous pensâmes à nous en aller.

« Pourquoi rappelé-je ces circonstances indifférentes ? Ce n’est pas, le ciel le sait, par l’intérêt qu’elles m’inspirent maintenant ; mais, de même que l’homme qui se noie s’accroche à la plus faible branche du rivage, ainsi je tâche d’arriver le plus tard possible à la catastrophe de mon récit. Cependant il faut en finir, si je veux ob-