Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/394

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et du haut bonnet qu’elle portait. Elle s’avançait droit à travers la prairie, sans suivre les détours du petit sentier par lequel on évitait ordinairement les inégalités et les petites hauteurs qui la traversaient. Ces trois figures, qui se rapetissaient en s’éloignant, disparaissaient souvent, quand elles descendaient dans un fond, pour reparaître lorsqu’elles en sortaient. Il y avait quelque chose d’effrayant, de surnaturel, dans la course rapide et en droite ligne de Meg, qui ne tenait compte d’aucun des obstacles qui détourneraient un voyageur du chemin le plus direct. Elle allait presque aussi vite et en ligne aussi droite qu’un oiseau qui vole dans les airs. Enfin ils arrivèrent aux bois qui s’étendaient des limites de la prairie vers les clairières et le ruisseau de Derncleugh, et on cessa tout-à-fait de les voir.

« Ceci est bien extraordinaire, dit Lucy, après un moment de silence, en se retournant vers sa compagne ; que peut-il avoir affaire avec cette vieille sorcière ? — C’est bien effrayant, répondit Julia, et cela me rappelle les contes de sorcières, de magiciennes, de mauvais génies, que j’ai entendus dans les Indes. On croit, dans ce pays, que certaines gens ont dans le regard un tel pouvoir de fascination, qu’ils sont maîtres de la volonté et de tous les mouvements de leurs victimes. Que peut avoir de commun votre frère avec cette épouvantable femme, pour qu’il nous quitte, en apparence contre son gré, pour la suivre ? — Au moins, dit Lucy, elle n’a pas de mauvais dessein ; autrement elle n’aurait pas emmené le fidèle Dinmont, dont Henri vante le courage et la force. Retournons au château, pour y attendre l’arrivée du colonel ; peut-être Bertram sera-t-il revenu avant lui. En tout cas, le colonel décidera s’il y a quelque chose à faire. »

S’appuyant sur le bras l’une de l’autre, mais se soutenant même avec peine, tant elles étaient tremblantes et agitées, elles arrivèrent enfin à l’avenue de Woodbourne. Bientôt les pas d’un cheval se firent entendre derrière elles. Elles s’arrêtèrent, et, à leur grande satisfaction, reconnurent le jeune Hazlewood.

« Le colonel sera de retour dans quelques instants, leur dit-il ; je suis venu en avant pour offrir plus tôt mes respects à miss Bertram, ainsi que mes sincères félicitations sur l’heureux événement qui vient d’arriver dans sa famille. Je désire être présenté au capitaine Bertram, afin de le remercier de la leçon bien méritée qu’il a donnée à mon imprudence et à mon indiscrétion. — Il vient de