Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est-à-dire posséder le talent de la conversation, était une chose essentielle au métier d’un pauvre homme (puir budy) de la classe la plus estimée ; et Burns, qui prenait tant de plaisir à les entendre parler, semble avoir réfléchi avec une fermeté sombre sur la possibilité de devenir quelque jour membre de leur société ambulante. Il en parle assez souvent dans ses œuvres poétiques pour indiquer qu’il ne regardait pas l’accomplissement de cette pensée comme absolument impossible. Ainsi dans la belle dédicace de ses œuvres à Gavin Hamilton, il dit :

« Et quand je n’attellerai plus le cheval à la charrue, grâces en soient rendues au Seigneur, je puis mendier. »

Et dans une épître à Davie, un poète de ses confrères, il dit encore qu’à la fin de leur carrière

« La fin et le pis-aller est de mendier, »


Et après avoir remarqué que

« Il est sans doute bien dur de coucher le soir dans une carrière ou une grange lorsque les os sont rompus de fatigue et le corps épuisé de faiblesse, »


ce poète, doué d’un esprit véritablement lyrique, conclut que la libre jouissance des beautés de la nature est bien faite pour balancer les fatigues et l’incertitude de la vie même d’un mendiant. Dans une de ses lettres en prose, je ne me rappelle plus à quelle occasion, il s’occupe plus sérieusement de cette idée, et s’y arrête comme n’étant pas incompatible avec ses habitudes et ses facultés.

La vie d’un mendiant écossais du dix-huitième siècle ayant été envisagée sans trop de répugnance par Robert Burns, l’auteur ne peut croire qu’on lui reprochera d’avoir donné au caractère d’Edie Ochiltree quelque chose de poétique et une dignité personnelle qui l’élèvent fort au dessus des individus de sa misérable profession, plus abjects que lui-même. Cette classe avait dans le fait quelques privilèges. Un gîte tel quel lui était toujours promptement accordé dans un des bâtimens extérieurs, et l’aumône ordinaire, appelée gowpen, d’une poignée de farine, ne lui était presque jamais refusée par le plus pauvre paysan. Le mendiant la renfermait, suivant sa qualité, dans différens sacs autour de sa personne, et il portait ainsi avec lui la partie principale de sa nourriture, qu’il n’avait besoin que de demander pour l’obtenir. Dans la maison des gentilshommes, son repas s’améliorait de quelques restes de viande hachée, quelquefois de deux sous d’Écosse, ou penny anglais, qui étaient dépensés