Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les contemporains de l’auteur à l’université d’Édimbourg se rappelleront sans doute la taille mince et amaigrie d’un vieux et vénérable Bedesmen qui se tenait sur le port de Potter-row, maintenant démoli, et qui, sans prononcer une syllabe, inclinant doucement la tête, présentait son chapeau à chaque individu qui passait, mais sans aucun signe d’importunité. Cet homme obtenait, par son silence et son air exténué, qui le faisaient ressembler à un pèlerin venu d’un lointain pays, le même tribut payé à l’humeur sarcastique d’André et à son maintien imposant. On le disait en état de soutenir son fils, étudiant en théologie dans cette même université à la porte de laquelle se tenait son père mendiant. Le jeune homme était modeste et porté à l’étude ; de sorte qu’un étudiant du même âge, et dont les parens appartenaient à une classe peu élevée, touché de le voir exclu de la société des autres écoliers, lorsqu’ils vinrent à soupçonner le secret de sa naissance, cherchait à le consoler de temps en temps par quelques attentions obligeantes. Le vieux mendiant fut reconnaissant des égards témoignés à son fils ; et un jour que le bienveillant écolier passait, il s’inclina plus avant que de coutume, comme pour lui fermer le passage. L’étudiant tira un sou de sa poche, concluant que c’était là ce que voulait le mendiant ; mais il fut fort étonné de recevoir ses remerciemens pour la bienveillance qu’il avait témoignée à Jemmie, et en même temps une invitation cordiale de dîner chez eux le samedi suivant, avec une épaule de mouton et des pommes de terre, ajoutant : « Vous mettrez votre chemise blanche, car j’ai du monde. » L’étudiant était fort tenté d’accepter cette offre hospitalière, comme la plupart l’auraient fait à sa place ; mais ses motifs auraient pu être mal interprétés, et il jugea plus prudent, en réfléchissant aux circonstances et à l’état du pauvre homme, de ne point accepter l’invitation.

Tel est le petit nombre de traits sur la mendicité écossaise destinés à donner des éclaircissemens sur ce roman, où un caractère de ce genre joue un rôle si important. Nous concluons que nous croyons avoir justifié le droit d’Edie Ochiltree à l’importance qui lui est donnée, en montrant que nous avons connu un mendiant qui jouait aux cartes avec un personnage distingué, et un autre qui donnait à dîner.

Je ne sais s’il est digne de remarquer ici que lorsque l’Antiquaire parut, ce roman fut moins bien accueilli qu’aucun de ceux qui l’avaient précédé, quoique, par la suite, il ait obtenu un degré de faveur égal et même supérieur dans l’opinion de quelques lecteurs.