Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/140

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et absolue, et mêler des termes de science à un jargon bizarre et mystique. Un jeune homme qui était là eut la simplicité de me dire à l’oreille que c’était un illuminé, et qu’il entretenait des relations avec le monde invisible.

— Oh ! c’est bien lui, c’est lui-même : il a assez de connaissances pratiques pour parler savamment et judicieusement à ceux dont il redoute la pénétration ; et, pour dire la vérité, cette faculté jointe à son extrême impudence m’a abusé moi-même quelque temps sur son compte lorsque je commençai à le connaître. Mais j’ai entendu dire depuis, que, quand il est au milieu d’ignorans et de femmes, il se montre un véritable charlatan, parle du magisterium, des sympathies et des antipathies, de la cabale, de la baguette divinatoire, enfin de toutes les niaiseries à l’aide desquelles les rose-croix ont abusé des siècles moins éclairés, et qui, à notre honte éternelle, ont repris quelque faveur dans le nôtre. Mon ami Heavy-Sterne a connu cet homme sur le continent ; et sans le vouloir, car il font que vous sachiez qu’il est lui-même une espèce de croyant, il m’a aidé à deviner une grande partie de ce caractère. Ah ! si j’étais calife pendant un seul jour, comme le souhaitait l’honnête Abou-Hassan, je ferais chasser ces jongleurs du royaume à coups de fouet. Ils séduisent l’esprit des gens ignorans et crédules par leurs billevesées mystiques, aussi réellement que s’ils avaient étourdi leurs cervelles avec du genièvre, et profitent de leur aveuglement pour les dépouiller avec la même facilité. Et c’est ainsi que ce charlatan vagabond vient de mettre la dernière main à la ruine d’une ancienne et noble famille.

— Mais comment a-t-il pu abuser sir Arthur assez long-temps pour le conduire à sa ruine ?

— Que sais-je ? sir Arthur est un brave et honorable gentilhomme ; mais, comme vous avez pu en juger d’après ses idées décousues au sujet du langage des Pictes, il n’est pas trop fort en facultés intellectuelles. Ses biens sont frappés de substitution ou mis en majorât, et il a toujours été fort embarrassé dans ses affaires. Cet intrigant lui a promis des monts d’or, et on a trouvé une compagnie anglaise qui a avancé de grosses sommes d’argent, et, je le crains, sur la garantie de sir Arthur ; quelques particuliers, et j’ai été assez sot pour me mettre du nombre, ont pris de petits intérêts dans cette affaire ; sir Arthur lui-même a fait de grandes dépenses. Nous avons été entraînés par des apparences plausibles, par des mensonges plus plausibles encore, et mainte-