Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/153

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Shortcake, qui était petite et toute ramassée, se haussait, et se tenait sur la pointe des pieds, pour avoir sa part de l’examen.

« Vraiment, c’est de lui, la chose est certaine, dit la femme du boucher ; je puis lire sa signature, Richard Taffril, là dans le coin, et le papier est rempli d’un bout à l’autre.

— Tenez-la plus bas, madame, s’écria mistriss Shortcake en chuchotant un peu plus haut que la prudence exigée par leur occupation n’aurait voulu, tenez-la donc plus bas ; croyez-vous qu’il n’y ait que vous qui puissiez lire l’écriture ?

— Chut ! chut ! mesdames, pour l’amour du bon Dieu, dit mistriss Mailsetter, il y a quelqu’un dans la boutique… » Puis plus haut : « Baby, faites attention aux pratiques. » Baby répondit d’une voix aigre : « Ce n’est que Jenny Caxon, madame, qui vient voir s’il y a des lettres pour elle.

— Dites-lui, reprit l’intègre maîtresse de poste faisant un signe à ses commères, de revenir demain matin à dix heures, et je lui répondrai ; nous n’avons pas encore eu le temps de reconnaître et distribuer les lettres. Elle est toujours aussi pressée que si ses lettres étaient plus importantes que celles du premier négociant de la ville.

La pauvre Jenny, jeune fille d’une beauté et d’une modestie remarquables, tira son manteau sur sa poitrine pour cacher sans doute le soupir de regret qui lui échappa, et s’achemina doucement vers son logis afin d’y endurer pendant tout une autre nuit cette tristesse et ce découragement qui s’emparent d’un cœur dont l’espérance vient d’être trompée.

« Il y a quelque chose au sujet d’une aiguille et d’un pieu, dit mistriss Shortcake à qui sa rivale en commérage, de taille plus élevée, avait enfin permis de jeter un coup d’œil sur l’objet de leur curiosité.

— Pour le coup, c’est une véritable honte, dit mistriss Heukbane, de se moquer de cette pauvre niaise après lui avoir fait la cour pendant si long-temps, et en avoir obtenu tout ce qu’il a voulu sans doute.

— Il ne faut pas en douter, répéta mistriss Shortcake. Aller lui reprocher que son père n’est qu’un barbier et qu’il a un pole[1] à sa porte, et qu’elle-même n’est qu’une couturière : fi, fi, s’il n’y a pas de honte !

— Pas du tout, mesdames, s’écria mistriss Mailsetter, vous n’y

  1. Pole, dit le texte ; ce qui veut dire à la fois pôle et perche ou poteau, et prête ainsi à une double acception. a. m.