Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verai bien quelqu’un qui voudra m’en servir ; et s’il a dans ce genre moins d’expérience que je ne pourrais lui en désirer, je suis certain de ne pas en souffrir, puisque c’est vous, monsieur, qui servez de témoin à mon adversaire.

— Votre opinion ne serait pas erronée ; mais je désire moi-même partager le poids d’une pareille responsabilité avec quelqu’un qui soit capable de me seconder. Le brick du lieutenant Taffril est entré hier dans le port ; lui-même est en ce moment dans la ville, où il loge chez le vieux Caxon. Il vous est, je crois, aussi connu que moi ; et par la raison que je n’aurais pas hésité à vous rendre un pareil service, si je ne me fusse trouvé engagé d’un autre côté, je suis convaincu que vous l’y trouverez disposé à votre première demande…

— Ainsi donc, au buisson d’épines, monsieur Lesley, à sept heures du soir. Quelles sont les armes ? le pistolet, je présume.

— Précisément ; Mac Intyre a choisi l’heure à laquelle il lui sera le plus facile de s’échapper de Monkbarns : il était ce matin chez moi à cinq heures, afin de pouvoir être de retour avant le lever de son oncle. Bonjour, monsieur Lovel. » Et Lesley quitta l’appartement.

Lovel était aussi brave qu’un homme peut l’être ; mais il n’y en a aucun qui puisse envisager une catastrophe semblable à celle qui s’approchait, sans être agité d’un sentiment de terreur et de doute. Dans quelques heures, il pouvait avoir à répondre, en un autre monde, d’une action que son jugement, plus calme, lui disait être injustifiable aux yeux de la religion ; ou peut-être, errant comme Caïn, le sang d’un frère retomberait-il sur sa tête ? Tout ceci pouvait être évité par un seul mot ! Mais l’orgueil lui disait que prononcer ce mot maintenant serait attribué à un motif qui le flétrirait encore plus que les motifs les plus injurieux qu’on pût donner à son silence. Tout le monde, miss Wardour elle-même, le regarderait alors comme un lâche et un homme sans cœur, auquel la crainte de se mesurer avec le capitaine Mac Intyre avait arraché une explication qu’il avait refusée aux représentations calmes et polies de M. Lesley. D’ailleurs, la conduite insolente de Mac Intyre à son égard, les prétentions qu’il paraissait avoir sur miss Wardour, et l’arrogance, l’impolitesse et l’extrême injustice de ses questions envers un étranger, semblaient l’autoriser entièrement à repousser un interrogatoire aussi cavalier. Enfin, il forma la résolution qu’on pouvait attendre d’un homme aussi jeune, c’est-à-dire d’étouffer la voix de la froide raison pour n’écouter que celle de l’orgueil