Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voir comme je lui rendais la pareille et comme j’avais toujours un conte tout prêt pour chacun des siens, quoique au fond je susse un peu mieux que lui à quoi m’en tenir ! Oui, oui, nous avons joué plus d’un bon tour alors ; mais, hélas ! tout cela n’était que vanité et que folie, et il est juste que ceux qui ont mené une vie dissipée et légère, et qui abusèrent de leurs moyens pendant leur jeunesse, viennent à en manquer alors qu’ils sont vieux. »

Tandis qu’Ochiltree racontait ainsi les ruses et les exploits de ses premières années, d’un ton où la gaillardise et le repentir dominaient chacun à leur tour, son triste compagnon s’était assis sur le siège de l’ermite, creusé dans le roc même, et s’abandonnait à cette lassitude d’esprit et de corps qui suit ordinairement les agitations qu’ils ont éprouvées tous deux. Sa maladie récente, qui avait fort affaibli sa constitution, contribuait beaucoup à cet abattement léthargique. « Le pauvre enfant ! dit le vieil Édie, s’il passe la nuit dans cette cave humide, peut-être ne se réveillera-t-il plus, ou peut-être gagnera-t-il quelque maladie dangereuse. Il n’en est pas de lui comme de nous, qui pouvons dormir partout quand nous avons l’estomac plein. Levez-vous monsieur Lovel, mon garçon ; allez, après tout, je parierais que le jeune capitaine s’en tirera bien, et puis vous n’êtes pas le premier à qui il soit arrivé un pareil malheur. J’ai vu tuer plus d’un homme, et j’ai aidé à en tuer plus d’un moi-même, quoiqu’il n’y eût pas de querelles entre nous ; et si ce n’est pas un crime de tuer des gens avec qui nous ne nous sommes pas querellés, mais seulement parce qu’ils portent une autre cocarde, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas d’excuse pour celui qui tue son ennemi mortel, venu sur le pré tout armé contre sa vie. Je ne dis pas que cela soit bien, Dieu m’en préserve ! et que ce ne soit pas un grand péché d’enlever à un homme le souffle que Dieu lui a donné et que personne ne peut lui rendre ; mais je dis que c’est un péché que le repentir doit faire pardonner. Nous ne sommes tous que des pécheurs ; mais, si vous voulez écouter une vieille tête grise qui a reconnu ses anciennes erreurs, il y a dans les promesses du vieux Testament de quoi sauver le plus pervers d’entre nous, pourvu seulement qu’il veuille y croire. »

Ce fut avec de semblables encouragemens et les fragmens de dévotion que sa mémoire put lui fournir, que le mendiant s’efforça d’attirer et de forcer l’attention de Lovel, jusqu’à ce que la nuit eût succédé au crépuscule. « À présent, dit Ochiltree, je vais vous mener dans un lieu plus commode, où moi-même je me suis arrêté