Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/225

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le même ton de précaution, il n’y a que deux personnes qui connaissent ce lieu, et elles sont à plus d’un mille d’ici, si toutefois elles n’ont pas fini leur triste pèlerinage. Je ne croirai jamais que ce puisse être les officiers à cette heure de la nuit, et je ne crois pas aux contes de revenans que font les bonnes femmes, quoique ceci soit un lieu assez convenable. Mais qu’ils viennent de ce monde ou de l’autre, les voici ! Ils sont deux hommes avec une lanterne. »

Effectivement, pendant que le mendiant parlait, l’ombre de deux figures humaines se dessinait à l’entrée de la nef, dont ils avaient ouvert la porte qui donnait sur la prairie, éclairée en plein par la lune, et la petite lanterne portée par l’un d’eux jetait une lueur aussi faible à côté des éclatans rayons de cet astre, que l’étoile du soir quand elle se montre au milieu des dernières clartés du jour. La première idée et la plus naturelle était qu’en dépit des assurances d’Édie les personnes qui s’approchaient des ruines à une heure aussi extraordinaire, devaient être des officiers de justice à la poursuite de Lovel. Cependant rien dans leur conduite ne justifiait cette opinion : un signe du vieux pauvre et quelques mots prononcés à l’oreille avertirent donc le jeune homme que le meilleur parti qu’il eût à prendre était de rester tranquille, et de surveiller leurs mouvemens du lieu où ils étaient cachés. S’il survenait quelque incident qui rendît leur retraite nécessaire, ils avaient derrière eux le petit escalier secret qui les conduirait à la caverne, par laquelle ils pouvaient s’enfuir dans les bois long-temps avant de courir le risque d’y être poursuivis de près. Ils se tinrent donc aussi tranquilles que possible, examinant avec une avide et inquiète curiosité tous les mouvemens de ces promeneurs nocturnes.

Après avoir conversé quelques momens à voix basse, les deux figures s’avancèrent au milieu de la nef, et une voix que Lovel reconnut tout d’un coup au son et à l’accent pour celle de Dousterswivel dit, d’un ton un peu plus élevé, quoique craintif encore ; « En férité, mon pon monsir, il ne peut y afoir t’heure et te saison blus brobice pour ce grand tessein. Vous ferrez tout à l’heure que ce monsir Oldenpuck radote, et ne gonnait bas blus le suchet dont il parle qu’un betit enfant. Sur mon âme, il s’attentait à tevenir aussi riche qu’un chuif pour la bitoyable somme de cent livres sterling, dont je ne me soucie bas blus, sur ma parole d’honnête homme, que décent miséraples teniers. Mais c’est à vous, mon très généreux et resbectaple batron, que je veux montrer tous les secrets que l’art peut tébloyer, oui, même le secret du grand Pymander. »