Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/259

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bâton ferré, s’était planté de l’autre côté du tombeau. La physionomie du vieillard, qui avait naturellement un caractère remarquable d’intelligence et de finesse, presque même de ruse, prit alors une expression si pénétrante et si subtile, que Dousterswivel, quoique aventurier de profession, ne put soutenir ses regards. Mais il sentit la nécessité d’un éclaircissement, et, rappelant sa présence d’esprit, il se mit à sonder le mendiant sur les événemens de la journée.

« Pon monsir Édie Ochiltree…

— Édie Ochiltree n’est pas un monsieur ; c’est un pauvre mendiant et un Bedesman du roi, répondit la robe bleue[1].

— Eh pien tonc, pon Édie ! que bensez-fous de tout ceci ?

— Je pensais que Votre Honneur était bien bon (car je n’oserais pas dire bien simple) de donner à ces deux riches gentilshommes qui ont des terres et des seigneuries, et de l’or tant qu’ils en veulent, un aussi grand trésor d’argent (trois fois éprouvé au feu, comme le dit l’Écriture) et qui aurait pu faire votre fortune et votre bonheur, à vous et à deux ou trois honnêtes gens comme vous.

— En effet, Édie, mon prave ami, c’est pien frai. Seulement che ne safais bas, c’est-à-dire que che n’étais bas pien sûr où je trouferais ce trésor moi-même.

— Comment ! n’est-ce pas d’après le conseil de Votre Honneur que Monkbarns et le chevalier de Knockwinnock sont venus ici tantôt ?

— Ah, oui ! mais c’est bar l’effet t’une autre circonstance. Che ne safais bas qu’ils auraient troufé le drésor, quoique le dindamarre, les éternumens, la doux et les chémissemens de l’esbrit que chai entendu une nuit tans ces ruines, m’eussent pien fait bressentir qu’il y avait des drésors et des lingots cachés. Ah, pon Tieu ! cet esbrit gémit et soubire sur ses richesses comme un pourgmestre hollandais qui compte ses tollars, abrès un grand tîner donné à la maison de fille[2].

— Et croyez-vous réellement à cela, monsieur Doustersdiable[3] ; un homme aussi savant que vous, n’êtes-vous pas honteux ?

— Mon pon ami, répondit le chimiste, contraint par les circonstances de parler avec un peu plus de vérité qu’il n’en avait l’habi-

  1. Voir l’explication de blue gown (robe bleue), et de bedesman (mendiant du roi), donnée dans l’avertissement. a. m.
  2. Stadt haus, dit le texte. a. m.
  3. Ici le mendiant dénature malicieusement le nom de l’alchimiste. a. m.