Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/27

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sur une vieille copie en lettres gothiques des actes du parlement plutôt que d’aller à la paume ou à la bourse[1], et cependant il ne consacrerait pas une journée à une petite affaire de routine qui lui mettrait une vingtaine de schellings dans la poche : mélange bien singulier de nonchalance et d’industrie, d’économie et d’insouciance pour ses intérêts ; en vérité, je n’y comprends rien. »

Mais avec le temps son élève obtint les moyens de disposer de lui selon ses goûts ; car son père étant mort, fut suivi d’assez près par son fils aîné, amateur déterminé de la chasse et de la pêche, et qui mourut à la suite d’un rhume qu’il avait attrapé lorsqu’il se livrait à son penchant favori en tirant sur des canards dans un fond marécageux appelé Kittlefitthigmoss[2], quoiqu’il eût avalé une bouteille d’eau-de-vie cette même nuit pour se tenir l’estomac chaud. Jonathan hérita donc du domaine, et avec lui des moyens de subsister sans recourir à l’odieux métier de la loi. Ses désirs étaient fort modérés, et comme le revenu de son petit bien s’était augmenté en proportion de l’amélioration des terres, il surpassa bientôt de beaucoup ses besoins et sa dépense ; et quoique trop indolent pour pouvoir gagner de l’argent, il n’était nullement insensible au plaisir de le voir s’accumuler. Les bourgeois de la ville voisine le regardaient avec une espèce d’envie, comme quelqu’un qui affectait de se tenir en dehors du rang qu’ils avaient dans la société, et dont les études et les plaisirs leur semblaient également incompréhensibles. Cependant une sorte de respect héréditaire, qu’augmentait encore la connaissance de ses moyens pécuniaires, lui conservait une certaine importance parmi cette classe de ses voisins. Les gentilshommes du pays, qui lui étaient en général supérieurs en fortune, mais inférieurs en facultés intellectuelles, avaient peu de rapports avec M. Oldbuck de Monkbarns, à l’exception d’un seul avec lequel il vivait sur le pied d’une certaine intimité. Il avait toutefois la ressource ordinaire de la compagnie du ministre, ou du docteur, lorsqu’il le désirait, et se faisait en outre des occupations et des plaisirs qui lui étaient propres, étant en correspondance avec la plupart des savans de son temps, qui, comme lui, aimaient à mesurer des retranchemens en ruine, à faire le plan d’un château démoli, à déchiffrer d’illisibles inscriptions, et à écrire des essais sur des médailles, à raison de douze pages par chaque lettre de l’exergue. Il

  1. Golf, dit le texte, pour signifier le jeu de paume ou du mail. a. m.
  2. Mot composé de kittle, difficile, fitting, terrain, et moss, marais ; ce qui reviendrait à cette phrase : « marais où il est difficile et dangereux de marcher. » a. m.