Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/283

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comme la vieille mère remue les mains et les lèvres : sa tête fermente à présent comme du levain ; elle parlera peut-être toute la nuit, tandis qu’elle est quelquefois tout une semaine sans dire un mot, à moins que ce ne soit aux enfans.

— Sur ma foi, mistriss Mucklebackit, répliqua Jenny, c’est une femme qui a quelque chose d’extraordinaire ; elle me fait peur. Pensez-vous qu’elle soit ce qu’elle devrait être ? Il y a des gens qui disent qu’elle ne va pas à l’église et n’approche jamais du ministre, et que c’était autrefois une papiste, mais que depuis que son mari est mort, personne ne sait plus ce qu’elle est. Croyez-vous vous-même qu’elle ne soit pas un peu sorcière ?

— Sorcière ? folle que vous êtes ! Pour être une vieille femme ; est-on une sorcière ? Si vous vouliez parler d’Alison Breck pourtant, en conscience, je ne pourrais pas répondre pour celle-là ; je lui ai vu ses paniers remplis de poissons lorsque…

— Chut, chut, Maggie ! dit tout bas Jenny ; je crois que votre vieille mère va encore parler.

— Quelqu’un de vous n’a-t-il pas dit, demanda la vieille sibylle, à moins que je ne l’aie rêvé, ou que cela m’ait été révélé d’en haut, que Joscelinde, dame de Glenallan, est décédée et a été enterrée cette nuit ?

— Oui, bonne mère ! s’écria sa belle-fille, c’est la vérité.

— Que la volonté de Dieu soit faite ! dit la vieille Elspeth ; elle a fait plus d’un malheureux de son temps ! oui, jusqu’à son propre fils même… Vit-il encore ?

— Oui, il vit encore ; mais qui peut dire s’il en a pour long-temps ? Ne vous rappelez-vous pas qu’il est venu vous demander ce printemps, et qu’il vous a laissé de l’argent ?

— Cela peut être, Maggie, je l’avais oublié. C’était un bel homme autrefois, et son père l’avait été avant lui ; et s’il eût vécu plus long-temps, ils auraient pu être tous heureux. Mais il mourut, et la comtesse s’empara de l’esprit de son fils, et lui fit croire ce qu’il n’aurait jamais dû croire, et faire une action dont il n’a cessé de se repentir, et qu’il ne cessera de regretter, dût sa vie être aussi longue, aussi fatigante que la mienne.

— Oh ! qu’est-ce que c’est, grand’mère ? — qu’est-ce que c’est, bonne mère ? — qu’est-ce que c’est, Luckie Elspeth ? s’écrièrent à la fois les enfans, la mère et Jenny Rintherout.

— Ne me le demandez pas, et priez Dieu qu’il ne vous abandonne jamais à l’orgueil et à l’obstination de vos cœurs. Il y a des pas-