Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/326

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plancher d’un pas lent, craintif et silencieux, comme s’il eût appréhendé que la terre, semblable à une glace peu solide, ne vînt à se briser sous ses pieds, et que le premier écho de son pas ne vînt à détruire quelque charme magique et à plonger la hutte et ses habitans dans un abîme souterrain. On ne peut juger de ce qu’il dit à la pauvre femme que d’après ses réponses qui, étouffées par les sanglots qu’elle ne pouvait retenir et par le tablier qui lui couvrait la tête, se faisaient confusément entendre à chaque pause du discours du ministre : « Oui, monsieur, oui, vous êtes bien bon… vous êtes bien bon… sans doute, sans doute… notre devoir est de nous soumettre… mais, ô mon Dieu, mon pauvre Steenie… l’orgueil de mon cœur, il était si beau, si bon ; il faisait la joie et le soutien de sa famille, c’était notre consolation à tous, et il n’y avait personne qui n’eût plaisir à le voir !… mon enfant, mon enfant, mon enfant ! pourquoi est-ce toi qui es étendu là sans vie, et pourquoi, moi, suis-je restée pour te pleurer ? »

Il n’y avait pas à raisonner avec cette explosion de douleur et d’affection maternelles. Oldbuck eut plusieurs fois recours à sa tabatière pour cacher ses larmes, car en dépit de son caractère sévère et caustique, il n’était rien moins qu’insensible à des scènes de ce genre. Les femmes qui étaient présentes pleuraient, et les hommes tenaient leurs bonnets devant leurs figures et se parlaient à part et à voix basse. L’homme d’église voulut ensuite adresser ses pieuses consolations à la vieille grand’mère. Elle l’écouta d’abord ou parut l’écouter avec toute son apathie ordinaire et comme ne l’entendant pas ; mais en appuyant sur son sujet, il approcha si près de son oreille que le sens de ses paroles finit par lui devenir intelligible, quoique les personnes plus éloignées ne pussent les entendre ; alors sa figure prit cette expression sombre et prononcée qui la caractérisait pendant ses courts intervalles de raison. Elle redressa sa tête et son corps d’une manière qui annonçait l’impatience sinon le mépris que lui inspiraient ces conseils, et agita la main légèrement, mais avec un geste assez expressif pour indiquer à tous ceux qui en étaient témoins qu’elle repoussait avec un profond dédain les consolations spirituelles qui lui étaient offertes. Le ministre recula de quelques pas, comme se voyant rebuté, et élevant sa main au ciel, il la laissa doucement retomber d’une manière qui exprimait à la fois de l’étonnement, du chagrin et de la compassion pour l’état déplorable de son esprit. Le reste des assistans partagea ces sentimens, et il circula parmi eux un murmure qui indiquait à quel