Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/33

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moins tenté de le faire, que le vieux jardinier en serait certainement mort de chagrin. Un if, haut et touffu, était cependant respecté par la serpette, et ce fut sur un siège de jardin, au dessus duquel il étendait son ombrage, que Lovel trouva son vieil ami, qui, les lunettes sur le nez et sa tabatière à son côté, était attentivement occupé à lire la Chronique de Londres, agréablement caressé par la brise d’été qui agitait le feuillage, et par le murmure éloigné des vagues qui venaient se briser sur le sable.

M. Oldbuck se leva à l’instant et s’avança pour saluer sa connaissance de voyage par un cordial serrement de main : « Ma foi, dit-il, je commençais à croire que vous aviez changé d’avis, et que, trouvant ces lourds et stupides habitans de Fairport indignes de vous apprécier, vous aviez pris congé d’eux à la française[1], comme le fit mon vieil ami et confrère en antiquités, Mac Cribb, lorsqu’il partit emportant une de mes médailles syriennes.

— J’espère au moins, mon cher monsieur, que je ne me serais pas attiré un semblable reproche.

— Un bien plus grave, croyez-moi, si vous vous fussiez enfui sans me procurer le plaisir de vous revoir : j’aurais préféré que vous eussiez pris mon Othon de cuivre lui-même. Mais venez, que je vous conduise à mon sanctum sanctorum, à ma cellule ; je puis l’appeler ainsi, car, excepté deux impertinentes femelles (par cette phrase de mépris, empruntée à son confrère antiquaire, le cynique Antony Wood[2], M. Oldbuck avait coutume de désigner le beau sexe en général, et sa sœur et sa nièce en particulier) ; excepté, dis-je, deux impertinentes femelles qui, sous quelque prétexte oiseux de parenté, se sont établies chez moi, je vis ici autant en cénobite que mon prédécesseur John de Girnell, dont je vous montrerai tout à l’heure la tombe. »

En parlant ainsi, le vieux gentilhomme marchait le premier vers une porte basse ; mais avant d’y entrer, il s’arrêta tout-à-coup pour faire remarquer quelques vestiges de ce qu’il appelait une inscription, et secouant la tête en déclarant qu’elle était presque illisible, « Ah ! monsieur Lovel, si vous saviez le temps et la peine que les traces effacées de ces caractères m’ont coûtés ! les douleurs de l’enfantement ne sont rien en comparaison, et tout cela sans fruit… quoique je sois presque certain que ces deux dernières marques de

  1. French leave, s’en aller sans mot dire. a. m.
  2. Personnage réel, auteur d’un ouvrage sur l’histoire et les antiquités d’Oxford. a. m.