Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/330

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facilité d’épancher leurs cœurs mutuellement, et d’adoucir leur douleur en se la communiquant ; mais leur bienveillante intention resta sans effet. À peine la dernière d’entre elles avait obscurci de son ombre, en se retirant, le seuil de la porte, qu’elle avait doucement tirée après elle, que le père, s’assurant d’abord par un regard rapide qu’il n’y avait plus d’étrangers, se leva en sursaut, joignit ses mains en les tordant avec violence au dessus de sa tête, poussa ce cri de désespoir qu’il retenait depuis si long-temps, et avec toute l’impuissante impatience de la douleur, moitié se lançant, moitié se traînant vers le lit où le cercueil avait été déposé, se jeta dessus, et enfonçant sa tête sous les couvertures, donna un libre cours à tout l’excès de son désespoir. La malheureuse mère, terrifiée par la violence de l’affliction de son mari (affliction d’autant plus effrayante qu’elle agissait sur un homme dont les manières étaient rudes et la constitution robuste), étouffant ses sanglots et ses larmes, et le tirant par les pans de son habit, le supplia en vain de se lever, et de ne pas oublier que quoique un de ses enfans lui fût enlevé, il lui en restait encore d’autres, et qu’il avait aussi une femme à consoler et à soutenir. Cet appel fait trop tôt, et dans un moment où sa douleur n’était capable de rien écouter, ne fut pas même entendu ; il continua de rester couché, indiquant par des sanglots si amers et si violens que le lit et la cloison en étaient ébranlés, par ses poings fermés qui serraient fortement les couvertures, et par le mouvement brusque et convulsif de ses jambes, combien sont profondes et terribles les angoisses de la douleur paternelle.

« Ô quel jour est celui-ci ! quel jour est celui-ci ! » s’écria la pauvre mère, dont l’affliction féminine s’était déjà presque épuisée en larmes et en sanglots, et qui s’effaçait presque devant la terreur que lui causait l’état où elle voyait son mari. « Ô quel moment que celui-ci ! et personne pour venir au secours d’une pauvre femme abandonnée ! bonne mère ! si vous pouviez lui dire un mot, si seulement vous pouviez lui dire de prendre courage ! »

À son grand étonnement, et même à l’augmentation de son effroi, la mère de son mari entendit cet appel, et y répondit. Elle se leva, traversa la chambre sans appui et sans beaucoup d’apparence de faiblesse, et se tenant debout près du lit sur lequel son fils était étendu, elle lui dit : « Levez-vous, mon fils, et ne pleurez pas celui qui est à l’abri du péché, de la tentation et de la douleur. Il faut pleurer sur ceux qui restent dans cette vallée de misères et de ténè-