Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/339

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fidèles vassaux de la maison de Glenallan ; car, milord, quoique j’eusse contracté un mariage au dessous de moi, jamais un de vos ancêtres ne parut sur le champ de bataille sans qu’un des aïeux de la vieille, inutile et misérable créature qui vous parle en ce moment, portât son bouclier devant lui. Mais cela n’était pas tout, continua la vieille femme dont les passions terrestres et haineuses se rallumaient à mesure qu’elle s’échauffait dans son récit ; ce n’était pas tout, je haïssais miss Neville pour un motif personnel ; je l’avais amenée d’Angleterre, et pendant tout le voyage elle se moqua de mon habit écossais, et contrefit mon accent comme ses amies et ses camarades du sud le faisaient dans la pension où elles étaient élevées. » Quelque étrange que cela puisse paraître, elle parlait d’une offense qui lui avait été faite sans intention par une jeune pensionnaire étourdie, avec un degré de ressentiment qu’une insulte mortelle, après un si long intervalle de temps, n’aurait pas justifié ni même excité dans un esprit sage. « Oui, ajouta-t-elle, elle me méprisa et se railla de moi. Mais que ceux qui se raillent du tartan redoutent le dirk[1].

Elle s’arrêta et reprit : « Cependant je ne nie pas que ma haine fût outrée. Mais pour revenir à mon sujet, la comtesse ma maîtresse continua en me disant : « Elspeth, ce fils rebelle veut s’allier à ce perfide sang anglais. Si nous étions aux jours d’autrefois, je pourrais la jeter dans le Massymore[2] de Glenallan, et retenir mon fils captif dans le donjon de Strathbonnel. Mais ce temps est passé, et l’autorité que devraient exercer les nobles du pays est déléguée à de misérables chicaneurs et à leurs vils dépendans. Écoute, Elspeth Cheyne : comme tu es aussi réellement la fille de ton père que je la suis du mien, je trouverai moyen de les empêcher de se marier. Elle se promène souvent vers ce rocher suspendu sur votre demeure, afin de contempler la barque de son amant (vous vous rappelez, milord, combien vous vous plaisiez sur la mer) ; qu’il la trouve quarante pieds plus bas qu’il ne l’imagine. » Oui, vous pouvez frémir, sourciller, et joindre vos deux mains ; aussi vrai que je dois un jour paraître devant le seul être que j’aie jamais craint… hélas ! pourquoi ne l’ai-je pas craint davantage ?… telles furent les paroles de votre mère. À quoi me servirait de vous

  1. Le tartan est l’étoffe dont se font les manteaux écossais ; le dirk est le poignard. a. m.
  2. Massa mora, ancien nom pour désigner une prison ; il dérive de la langue mauresque, peut-être du temps des croisades. a. m.