Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/400

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amené avec moi, parce que dans l’état où elle est, et avec ce mélange d’enfance et de lueurs de raison, il est possible que votre voix et votre aspect réveillent en elle une suite de souvenirs que je n’aurais pas moi-même le moyen d’exciter. L’esprit humain… Que faites-vous donc, Hector ?

— Je siffle ma chienne, monsieur, répliqua le capitaine ; elle s’écarte toujours trop loin… Je savais bien que je vous serais un compagnon importun.

— Pas du tout, pas du tout, reprit Oldbuck continuant sa dissertation ; il faut traiter l’esprit humain comme un écheveau de soie mêlé, dans lequel il faut soigneusement s’assurer d’un bout avant de pouvoir espérer à parvenir à le débrouiller.

— Je ne sais rien à ce sujet, dit le mendiant ; mais si elle est toujours ma vieille connaissance d’autrefois, ou qu’elle y ressemble encore, il pourra se faire que ce soit elle qui nous embrouille. C’est une chose terrible que de la voir et de l’entendre, quand elle se met à agiter ses bras et à parler son anglais, ni plus ni moins que si c’était un livre imprimé… Elle peut être la vieille femme d’un pêcheur, mais cela n’empêche pas qu’elle n’ait reçu une grande éducation, et elle avait vu beaucoup de monde avant de se marier, comme elle le fit, un peu au dessous de son état. Elle est plus âgée que moi d’une vingtaine d’années, mais je me rappelle bien qu’on fit autant de bruit, dans le temps, de son mariage disproportionné avec Simon Mucklebackit, que si elle avait appartenu à la classe des gentilshommes. Cependant elle revint en faveur après être tombée en disgrâce, puis y retomba encore, comme je l’ai entendu dire à son fils quand il était encore enfant. Il paraît qu’ils reçurent beaucoup d’argent quand ils quittèrent les terres de la comtesse pour s’établir ici, mais depuis lors rien ne leur a réussi. Quoi qu’il en soit, c’est une femme qui en sait long, et, si elle s’en prend à son anglais, comme je l’ai entendue faire quelquefois, il est possible qu’elle nous embarrasse. »