Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/415

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dans mon tort quand sir Arthur m’a réprimandé, je ne me serais pas permis de lui répondre. J’ai été long-temps à son service, il a toujours été un bon maître, et vous, madame, une excellente maîtresse, et je ne voudrais pas que vous me crussiez capable de vous quitter pour une vivacité… Je regrette d’avoir parlé de mes gages, et je conviens que c’était bien mal à moi de le faire dans un moment où sir Arthur avait peut-être quelque chose qui le tourmentait… Il me serait cruel de quitter de cette manière le service de la famille.

— Allez en bas, Robert, lui dit sa maîtresse ; il faut que quelque chose soit arrivé à mon père pour l’irriter : restez en bas, et que ce soit Alick qui réponde à la sonnette. »

Quand le domestique eut quitté la chambre, sir Arthur y entra comme s’il n’eût attendu que son départ. « Qu’est-ce que cela signifie ? dit-il brusquement en voyant l’argent qui était resté sur la table. Est-ce qu’il n’est pas encore parti ? ne puis-je donc me faire obéir ni comme maître, ni comme père ?

— Il est allé remettre ses comptes à la femme de charge, monsieur… Je ne croyais pas que la chose fût aussi pressée…

— Très pressée, miss Wardour, répondit son père en l’interrompant : ce qui me reste à faire désormais dans la maison de mes pères doit avoir lieu à l’instant, ou jamais… »

Il s’assit ensuite et prit la tasse de thé qui avait été préparée pour lui, différant de l’avaler comme pour retarder en même temps la nécessité d’ouvrir les lettres posées sur la table, et sur lesquelles il jetait de temps en temps un coup d’œil. On eût dit qu’il y voyait un nid de vipères prêtes à s’animer et à s’élancer sur lui.

« Vous apprendrez avec plaisir, dit miss Wardour cherchant à tirer son père des sombres réflexions où il était plongé, vous apprendrez avec plaisir, monsieur, que le brick du lieutenant Taffril est entré sans accident dans la rade de Leith. Je viens d’apprendre qu’on avait eu des craintes sur son sort. Je suis bien aise que nous n’en ayons rien su avant que ces nouvelles fussent contredites.

— Et que me fait à moi Taffril et son brick ?

— Monsieur ! » dit miss Wardour étonnée ; car sir Arthur, dans son état habituel, prenait une espèce d’intérêt de curiosité aux commérages du jour et à toutes les petites nouvelles du pays.

« Je dis, répéta-t-il d’un ton encore plus impatient et plus irrité, que peu m’importe qui est sauvé ou perdu. Qu’est-ce que cela me fait à moi ?