Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/47

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gers vestiges de la porta Sinistra, et à droite un côté de la porta Dextra presque tout entier. Plaçons-nous donc ici sur ce tumulus, qui montre les fondemens de bâtimens ruinés, le point central, le prœtorium sans doute du camp. De ce lieu, qui ne se distingue presque plus du reste des fortifications que par une légère éminence et l’herbe plus verte qui le couvre, nous pouvons supposer qu’Agricola contemplait l’immense armée des Calédoniens, occupant le penchant de la colline opposée ; l’infanterie s’élevant rang sur rang, et la forme du terrain la déployant dans tout son avantage ; la cavalerie et les covinarii, par lesquels j’entends ceux qui montaient les chariots, autre sorte de gens que vos élégans de Bond-street[1], qui conduisent quatre chevaux parcourant là-bas les espaces plus unis.

« Voyez, Lovel, voyez descendre des montagnes
Cette armée inondant nos superbes campagnes !
Voyez des cavaliers l’éclat, à l’horizon,
Éclipser devant nous l’écaille du dragon !
Le bruit des rangs s’accroît : c’est le bruit du tonnerre,
Qui commence de loin et menace la terre.
Regardez, contemplez ces Romains belliqueux.
Et voyez Rome enfin disparaître avec eux ! »

« Oui, mon cher ami, d’après cette stance[2] il est probable, que dis-je ! il est certain que Julius Agricola contempla ce que notre Beaumont a si admirablement décrit du haut de ce même prætorium. »

Une voix qui se fit entendre derrière vint interrompre cette description faite d’enthousiasme. « Prétorien par-ci ! prétorion par-là ! je me souviens bien quand il fut bâti. »

Tous deux se retournèrent ; Lovel seulement avec étonnement, et Oldbuck avec surprise et indignation de se voir interrompu d’une manière si peu civile. Un témoin qu’ils n’avaient ni vu ni entendu s’était glissé près d’eux au beau milieu des déclamations énergiques de l’Antiquaire et de l’attention polie qu’y prêtait Lovel. Son extérieur était celui d’un mendiant. Un chapeau rabattu d’une large dimension, une longue barbe blanche qui se mêlait à ses cheveux gris, un visage vieilli par les années, mais remarquable par son expression, et que le hâle continu auquel il était exposé avait coloré d’un brun rouge foncé, une longue robe bleue avec une plaque d’é-

  1. Une des belles rues de Londres, où se trouve également le bureau de police. a. m.
  2. Extraite d’une tragédie anglaise de Beaumont, auteur contemporain de Shakespeare. a. m.