Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la jeune personne qui avait remarqué, d’un œil compatissant, sa tête grise et chauve et son air fatigué.

« M. Oldbuck, mon amour, dit le baronnet après un moment de silence, nous invite à dîner pour mardi 17 du courant. Il me semble réellement avoir oublié que depuis peu il ne s’est pas conduit envers moi avec cette politesse que j’avais droit d’en attendre.

— Mon cher monsieur[1], vous avez tant d’autres avantages sur M. Oldbuck qu’il n’est pas étonnant qu’il en ait quelquefois de l’humeur ; mais je sais qu’il a beaucoup d’estime pour votre personne et votre conversation, et que rien ne lui ferait plus de peine que de vous manquer d’égards réels.

— C’est vrai, Isabelle, et il faut lui accorder quelque indulgence en songeant à sa première origine : il y a encore dans son sang quelque chose de la grossièreté allemande, un reste d’opposition républicaine et révolutionnaire aux rangs et aux privilèges établis. Vous avez pu remarquer qu’il n’a jamais aucun avantage sur moi dans la discussion, à moins qu’il n’ait recours à cette espèce de connaissance chicanière qu’il possède des dates, des noms, et de faits insignifians, et ne se serve de la fatigante et inutile exactitude d’une mémoire qu’il ne doit qu’à sa basse extraction.

— Elle doit pourtant lui servir dans ses recherches historiques, à ce qu’il me semble, monsieur, dit la jeune demoiselle.

— Oui, mais elle lui a fait contracter une manière de discuter aussi tranchante qu’impolie, et rien n’est plus déraisonnable que de le voir attaquer jusqu’à la belle traduction d’Hector Boëce, par Bellenden, que j’ai la satisfaction de posséder, et qui est un in-folio gothique d’une grande valeur ; et cela d’après l’autorité de quelques vieux bouts de parchemin qu’il a arrachés au sort qui les attendait, celui de faire des mesures aux tailleurs. Ensuite, cette habitude d’exactitude minutieuse et fatigante entraîne une façon mercantile de traiter les affaires à laquelle devrait être supérieur un propriétaire de biens territoriaux, dont la famille a traversé deux ou trois générations. Je doute qu’il y ait un commis marchand à Fairport qui sache mieux qu’Oldbuck dresser un compte d’intérêts.

— Mais vous accepterez son invitation, monsieur ?

— Mais… oui ; nous n’avons pas, je crois, d’engagement pour ce jour-là. Quel peut être le jeune homme dont il nous parle ? il fait

  1. Dear sir, dit le texte. En Angleterre il est d’usage dans la haute société qu’un enfant dise monsieur à son père, et madame à sa mère : on trouve cela plus respectueux. a. m.