Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/84

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question de sa fille, se tourna cependant comme par instinct du côté du mendiant, comme si leurs vies eussent été entre ses mains. Ochiltree réfléchit. « Autrefois, dit-il, je gravissais hardiment les rochers, et j’ai dérobé plus d’un nid de faucon au milieu de ces mêmes rochers noirs ; mais il y a long-temps, bien long-temps de cela, et c’était avec l’aide de cordes, car nul mortel n’aurait pu le faire sans cela ; et quand même j’en aurais une, je n’ai plus le coup d’œil aussi juste, le pied aussi sûr, la main aussi ferme que je l’avais alors. Comment donc pourrais-je vous sauver ? Mais il y avait autrefois un sentier par ici, quoique peut-être en le voyant, vous aimeriez mieux rester où vous êtes. Que le Seigneur soit béni ! s’écria-t-il soudainement, voici quelqu’un qui descend en ce moment même du rocher. » Puis élevant la voix de toute sa force vers celui dont l’intrépidité bravait de pareils périls, il se mit à lui donner toutes les instructions que son ancienne pratique et le souvenir des circonstances locales présentèrent tout-à-coup à son esprit. « Vous y êtes, vous y êtes ! par ici, par ici ! attachez bien la corde autour de la Corne de Crummie ; c’est cette pierre que vous voyez là si noire, tournez-la deux fois autour ; c’est cela : maintenant avancez-vous un peu plus à l’est, encore un peu, jusqu’à cette autre pierre : il y avait là autrefois la racine d’un chêne ; là, c’est cela, arrêtez-vous là, mon garçon, reprenez haleine et reposez-vous ; que le Seigneur vous bénisse ! ne vous pressez pas. Bon ! Maintenant il faut arriver à cette autre large pierre bleuâtre appelée le Tablier de Bessy, et puis je pense qu’avec votre aide et celle de la corde, j’arriverai jusqu’à vous ; ensuite nous pourrons soulever la jeune dame et son père… »

L’intrépide aventurier, d’après les avis du vieil Édie, lui jeta le bout de la corde que le mendiant attacha autour du corps de miss Wardour, l’enveloppant d’abord soigneusement de son manteau bleu pour la garantir autant que possible des injures du temps ; puis se servant lui-même de la corde qui était attachée de l’autre bout, il commença à gravir la surface du rocher, entreprise périlleuse, et capable de donner des vertiges, mais qui, après l’avoir exposé à tomber une fois ou deux, le conduisit enfin sain et sauf sur la large pierre plate auprès de notre ami Lovel. Leurs forces réunies parvinrent à soulever et à déposer Isabelle à l’endroit de salut qu’ils avaient atteint. Lovel descendit ensuite afin de secourir sir Arthur, autour duquel il attacha la corde ; puis remontant à leur lieu de refuge, il réussit, avec l’assistance d’Ochiltree et les efforts que