Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/31

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tes reins de résolution, et marche d’un pas rapide sur le terme de haute vocation. »

Un murmure sourd et général d’approbation, qui retentit sous les voûtes profondes de la vieille chapelle, lui permit de se reposer quelques minutes : il reprit bientôt, et les habitants de Woodstock l’entendirent, non sans crainte, diriger le torrent de son éloquence vers un autre point.

« Mais pourquoi, peuple de Woodstock, vous entretenir de tout cela, vous qui ne prétendez à aucune part de l’héritage de notre David, qui ne prenez nul intérêt au fils de Jessé de l’Angleterre ?… vous qui combattiez de toutes vos forces (et elles n’étaient pas bien redoutables) sous les ordres d’un sir Jacob Aston, papiste altéré de sang, et pour qui ? pour un homme qui n’est plus[1]… Ne complotez-vous pas en ce moment, ou n’êtes-vous pas prêts à le faire, pour rétablir sur le trône le jeune homme, fils impur du tyran mis à mort… le fugitif que poursuivent en ce moment tous les cœurs vraiment anglais pour s’emparer de sa personne et le tuer ?… Comment votre général tournerait-il sa bride de notre côté ? vous dites en vous-mêmes : Nous ne voulons pas de lui… Si vous pouviez vous sauver, vous prendriez plutôt le parti de vous rouler dans la fange de la monarchie, même après la truie. Écoutez, hommes de Woodstock ; je vous ferai une question, et vous me répondrez. Êtes-vous toujours affamés des potées de chair des moines de Godstow ? Vous me direz : Non, sans doute. Mais pourquoi ? parce que les pots sont fendus et brisés, et que le feu qui chauffait le four est éteint. Et je vous le demande, allez-vous toujours vous désaltérer à la fontaine des fornications de la belle Rosemonde ?… Encore non… Et pourquoi ? »

Ici l’orateur, avant d’avoir pu répondre à sa manière à cette question, fut interrompu par la réplique énergique d’une personne de l’auditoire : « Parce que vous et vos pareils ne nous avez pas laissé même une goutte d’eau-de-vie pour mêler à cette eau. »

Tous les yeux se tournèrent vers l’audacieux interrupteur ; il était debout à côté d’un de ces piliers d’architecture saxonne, lourd et massif, qui avait avec lui quelque ressemblance, étant petit de stature, mais d’une complexion robuste, trapu, enfin un véritable Petit-Jean[2]. Il portait à la main un énorme bâton ; son justaucorps, quoique bien vieux et d’une couleur flétrie, avait évi-

  1. Charles Ier, décapité le 30 janvier 1649. a. m.
  2. Un des compagnons de Robin Hood. a. m.