Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/101

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de Rome, et que mes aïeux, depuis plus de trois cents ans, y tiennent un rang assez considérable, pour me faire passer mes jours heureusement, quand je n’aurois pas été héritière d’un premier ministre de France. L’Académie des beaux esprits de ce pays-là, qui commença aux noces d’un gentilhomme de ma maison2, fait assez voir la considération où cette maison étoit dès lors ; et pour surcroît de bonheur, j’ai l’avantage d’être née d’un père, que sa vertu et ses lumières extraordinaires élevoient au-dessus des plus honnêtes gens de nos aïeux.

Je fus amenée en France à l’âge de six ans3 ; et peu d’années après M. Mazarin refusa ma sœur la connétable, et conçut une inclination si violente pour moi, qu’il dit une fois à Mme d’Aiguillon que pourvu qu’il m’épousât, il ne se soucioit pas de mourir trois mois après. Le succès a passé ses souhaits : il m’a épousée, et n’est pas mort, Dieu merci. Aux premières nouvelles que M. le cardinal apprit de cette passion, il parut si éloigné de l’approuver, et si outré du refus que M. Mazarin avoit fait de ma sœur, qu’il dit plusieurs fois qu’il me donnerait plutôt à un valet. Ce ne fut pas la seule personne à qui j’eus le malheur de plaire. Un eunuque italien, musicien de M. le cardinal, homme de beaucoup d’esprit, fut accusé de la même chose ; mais il est vrai que c’étoit également pour mes sœurs et pour moi. On lui faisoit même la guerre qu’il étoit en-


2. Voy. l’Histoire de l’Académie française, par M. Pélisson, page 3, de l’édition de M. Livet.

3. C’est-à-dire en 1653.