Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/104

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Vous aurez sans doute peine à croire, que dans cet âge où l’on ne songe d’ordinaire à rien moins qu’à raisonner, je fisse des réflexions aussi sérieuses que j’en faisois sur toutes les choses de la vie. Cependant il est vrai que mon plus grand plaisir, en ce temps-là, étoit de m’enfermer seule pour écrire tout ce qui me venoit dans la pensée. Il n’y a pas longtemps que quelques-unes de ces écritures me tombèrent encore sous la main, et je vous avoue que je fus étrangement surprise d’y trouver des choses si éloignées de la capacité d’une petite fille. Ce n’étoient que doutes et questions que je me proposois à moi-même, sur toutes les choses qui me faisoient peine à comprendre. Je ne les décidois jamais assez bien à mon gré ; je cherchois pourtant avec obstination ce que je ne savois pas trouver ; et si ma conduite n’a pas marqué depuis beaucoup de jugement, j’ai du moins cette consolation que j’avois grande envie d’en avoir. Il me souvient encore qu’environ ce même temps voulant écrire à une de mes amies que j’aimois fort, je me lassai à la fin de meltre tant de fois, je vous aime, dans une même lettre, et je l’avertis que je ne ferois plus qu’une croix pour signifier ces trois mots-là. Suivant cette belle invention, il m’arrivoit quelquefois d’écrire des lettres à cette personne, où il n’y avoit autre chose que des lignes toutes de croix, l’une après l’autre. Une de ces lettres tomba depuis entre les mains de gens qui avoient intérêt d’en pénétrer le mystère ; mais ils ne surent jamais que reprendre dans un chiffre si dévot.

Mon enfance s’étant passée parmi ces divers amusements, on parla de me marier. La fortune