Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/155

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et moi de descendre avec elle, sous prétexte de l’accompagner. Ma tante Mazarin fit tout ce qu’elle put pour me faire demeurer dans ma chambre, parce qu’il y avoit longtemps que je ne me portois pas fort bien ; mais je n’avois garde de faire cette faute. Les enfants de ma sœur, qui n’avoient pas permission comme elle d’entrer dans le couvent, et qu’elle avoit exprès amenés ce jour-là, pour amuser ma tante dans le parloir, afin que nous n’en fussions pas embarrassées, l’attendoient à la porte, quand l’abbesse la vint ouvrir. Nanon se jeta d’abord à eux pour les caresser, et moi après elle. Comme on ne se défioit point de notre dessein, l’abbesse n’osa pas m’en empêcher de force, outre que je ne lui donnai pas le temps de délibérer. Me voilà dans le carrosse de ma soeur. Elle avoit le privilège de faire entrer avec elle un certain nombre de femmes ; ma tante retint par dépit deux dames qui s’en étoient prévalues ce jour-là, quoiqu’elles n’eussent rien de commun avec nos affaires, et la pauvre vieille prit si fort à cœur cette aventure, qu’elle mourut peu de jours après de déplaisir.

Nous fûmes d’abord chez le cardinal Chigi, que nous ne trouvâmes pas, pour lui demander sa protection. Il vint quelque temps après chez ma sœur, et nous parut assez froid, craignant que le Pape ne me fût contraire ; mais Sa Sainteté répondit aux plaintes du cardinal Mancini : que si elle avait su que j’eusse été contre mon gré dans le couvent, elle m’en seroit allé tirer elle-même. Ne pouvant encore me résoudre à demeurer chez ma sœur, je fus loger à la rue du Cours, dans notre maison paternelle, où l’Académie de Rome s’est tenue de tout temps. Le