Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais nos amis nous ayant mandé en même temps le désastre des pauvres statues du palais Mazarin, et que la conjoncture étoit favorable, nous fûmes ensemble jusqu’à Nevers, où il me laissa pour se rendre à la Cour, avec Grillon, qui nous avoit joints à Milan. Sitôt que M. Mazarin nous sut en chemin, il envoya Polastron, son capitaine des gardes, sur notre route, informer exactement de la vie que nous menions ; et il fit assembler toutes les prévôtés des environs du Nivernois, pour prêter main-forte au commissaire de la Grand’Chambre, qui me venoit enlever en vertu de l’arrêt du Parlement. Mon frère en ayant fait plainte au Roi, Sa Majesté me vouloit envoyer querir d’autorité ; mais M. Colbert, jugeant bien qu’il étoit à propos, pour mes intérêts, de ménager M. Mazarin le plus qu’on pourroit, lui fit dire de signer un arrêt d’appointement, comme il fit les larmes aux yeux, et voyant qu’on passeroit outre, s’il ne le faisoit pas. Cet arrêt arriva heureusement à Nevers le même jour que Palluau, conseiller de la Grand’Chambre, y arriva aussi, pour m’arrêter ; je reçus, en même temps, ordre d’aller au Lys16, et mon frère se maria le jour que j’y entrai.

Pendant que j’y fus, M. Mazarin me fit faire plusieurs propositions d’accommodement, mais toutes par de misérables moines, et autres gens de pareille étoffe, et sans me donner aucune sûreté. Il avoit dit au Roi : que mon frère m’empêchoit d’y entendre, qu’il me gouvernoit avec une autorité tyrannique, et que si je ne le craignois pas, je serois beaucoup plus traitable. Pour en savoir la vérité, le Roi m’envoya


16. L’abbaye du Lys, près Melun, en décembre 1670.