Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/164

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heures du soir ; de là nous fûmes à cheval à Marseille pour cinq heures du matin, où nous trouvâmes les ordres du Roi, et le passe-port chez l’intendant.

M. le Connétable, par le plus grand bonheur du monde, fut trois jours hors de Rome, et ne se défia de la vérité que fort tard. Il n’est point de contes si horribles qu’on ne fit de nous, jusqu’à dire que nous étions allées en Turquie ; et il fut contraint d’obtenir du Pape une excommunication contre tous ceux qui en parleroient. Il fit partir quatorze courriers par autant de routes différentes, dont l’un fit si belle diligence, qu’il arriva à Marseille devant que nous. Il y arriva aussi, un peu après, un homme à lui, de cette sorte de gens qu’on appelle, en Italie, des Braves. Mon valet de chambre étoit allé je ne sais où, se préparer à partir pour la Cour, où ma sœur l’envoya, et nous étions, nous quatre femmes, toutes seules de notre compagnie, dans le cabaret même où cet homme vint loger. Nanon, qui l’aperçut la première, le reconnut d’abord ; elle nous donna l’alarme bien chaude ; nous fîmes demander des gardes à l’intendant ; il nous en envoya sur-le-champ ; mon valet de chambre revint de la ville, et le Brave, après nous avoir parlé fort honnêtement, pour nous exhorter à retourner à Rome, partit sur-le-champ pour y retourner lui-même, avec une belle lettre de ma sœur pour son maître. Cette aventure nous fit aller loger chez l’intendant, et peu de jours après à Aix, où nous demeurâmes un mois, et où Mme de Grignan eut la charité de nous envoyer des chemises ; disant : que nous voyagions en vraies