Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/32

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D’un côté, vous allez à la mer, par un chemin digne de la grandeur des Romains ; de l’autre, vous entrez dans un bois, le plus agreable que j’aie vu de ma vie. Dans le même lieu, vous trouvez assez de maisons pour former une grande et superbe ville ; assez de bois et d’allées pour faire une solitude délicieuse. Aux heures particulières, on y trouve les plaisirs des champs : aux heures publiques, on y voit tout ce que la foule des villes les plus peuplées sauroit fournir. Les maisons y sont plus libres qu’en France, au temps destiné à la société ; plus resserrées qu’en Italie, lorsqu’une régularité trop exacte fait retirer les étrangers, et remet la famille dans un domestique étroit. De temps en temps nous allons faire notre cour au jeune prince[1], à qui je laisserai sujet de se plaindre, si je dis seulement que jamais personne de sa qualité n’a eu l’esprit si bien fait que lui, à son âge. À dire tout, je dirois des vérites qu’on ne croiroit point ; et par un secret mouvement d’amour-propre, j’aime mieux taire ce que je connois, que manquer à être cru de ce que vous ne connoissez pas.

  1. Le prince d’Orange, qui n’avoit alors que quatorze ans.